La ville cache tant qu’elle peut ses
foules
de pieds sales
Louis-Ferdinand Céline
Voyage au bout de la nuit, Paris, Denoël et Steele, 1932.
"La ville cache tant qu’elle
peut ses foules de pieds sales dans ses longs égouts électriques.
Ils ne reviendront à la surface que le dimanche. Alors, quand ils
seront dehors faudra pas se montrer. Un seul dimanche à les voir se
distraire, ça suffirait pour vous enlever à toujours le goût
de la rigolade. Autour du métro, près des bastions croustille,
endémique, l’odeur des guerres qui traînent des relents
de villages mi-brûlés, mal cuits, des révolutions qui
avortent, des commerces en faillite. Les chiffonniers de la zone brûlent
depuis des saisons les mêmes petits tas humides dans les fossés, à contre
vent. C’est des barbares à la manque des biffins pleins de litrons
et de fatigue. Ils vont tousser au dispensaire d’à-côté,
au lieu de balancer les tramways dans les glacis et d’aller pisser
dans l’octroi un bon coup. Plus de sang. Pas d’histoires. Quand
la guerre elle reviendra, la prochaine, ils feront encore une fois fortune à vendre
des peaux de rats, de la cocaïne et des masques en tôle ondulée."