"Mais les municipalités
ne s'inspireront pas seulement de raisons d'esthétique ou d'hygiène.
Elles n'oublieront pas que les modes suivant lesquels les habitants d'une
ville sont distribués et groupés influent beaucoup sur leurs
sentiments sociaux. Obligées d'accepter provisoirement la division
spontanée des villes en quartiers riches et pauvres, et d'appliquer,
en matière foncière, des règlements distincts à ces
régions ainsi séparées, elles considéreront qu'une
telle opposition est provisoire. Les socialistes ne nient point hypocritement
l'existence des classes : mais ils ne tiennent pas à ce qu'elles s'isolent
les unes des autres dans l'espace. Sans doute, il y aura toujours des emplacements
meilleurs que d'autres, des maisons plus aérées, plus proches
des centres, des parcs, des plus belles avenues. Sans doute aussi, c'est
là que les plus riches s'établiront de préférence.
Mais il n'y aura plus, si les municipalités le veulent, des parties
compactes de la ville qui sont comme les camps retranchés de la population
bourgeoise, où celle-ci s'habitue à ignorer, à craindre, à détester
la classe ouvrière, massée à d'autres points de l'horizon,
en des quartiers ou des rues où l'on ne s'aventure pas.
Tout le mal vient de ce qu'on ne reconnaît pas les relations d'étroite
solidarité par où tous les intérêts et toutes
les régions de la ville se rattachent. L'anarchie qui résulte
en général de la propriété individuelle se manifeste
ici avec intensité. Ce ne sont pas les mêmes propriétaires
qu'on exproprie et qui profitent des transformations de la ville. Ceux des
quartiers riches se soucient peu des quartiers pauvres, et de ce qui s'y
peut passer.