Le chiffonnier
Alexandre Privat d’Anglemont
Paris Anecdote. Les industries inconnues, la Childebert, les oiseaux
de nuit, la villa des chiffonniers, Paris, P. Jannet, 1854, Paris,
Les éditions de Paris, 1984, p. 256-257. (l’
ensemble
du texte est téléchargeable sur Gallica).
"Un goujat, un marmiton est fier de son métier, dit Pascal ;
il en est de même du chiffonnier qui aime son industrie, parce qu’elle
lui donne droit au vagabondage dans les rues de Paris qu’il adore,
où il vit dans une indépendance complète, sans soucis
du lendemain, sans souvenirs du passé, à la grâce de
Dieu, se fiant aux bonnes âmes et à la multiplicité des
publications littéraires, et bénissant la fécondité toujours
croissante des auteurs dramatiques, des romanciers et des écrivains
qui fournissent de quoi ne pas mourir de faim.
[…] Devenu vieux et infirme, le chiffonnier n’ira pas à l’hôpital,
ses voisins ne le souffriraient pas ; ils l’assisteront, ils feront
des collectes pour lui donner le nécessaire, ils se priveront pour lui
procurer quelques petites douceurs. C’est à qui lui portera du
tabac, des pipes et le demi-setier d’eau-de-vie, qui est, pour ces natures
brûlées, d’une nécessité plus immédiate
que le pain. Le chiffonnier pur sang a horreur de l’Assistance publique ;
il regarde comme un déshonneur d’être inscrit au Bureau
de bienfaisance."