L'infection des passages
Louis-Ferdinand Céline
Mort à crédit, 1936.
"Il faut avouer que le Passage, c’est
pas croyable comme croupissure. C’est fait pour qu’on crève,
lentement mais à coup sûr, entre l’urine et les petits clebs,
la crotte, les glaviots, le gaz qui fuit. C’est plus infect qu’un
dedans de prison. Sous le vitrail, en bas, le soleil arrive si moche qu’on
l’éclipse avec une bougie. Tout le monde s’est mis à suffoquer.
Le passage devenait conscient de son ignoble asphyxie ! […]
Les
chiens urinaient partout, et sur les vitrines aussi, pas spécialement
sur la Méhon. On avait beau répandre du soufre, c’était
quand même un genre d’égout le Passage des Bérésinas.
La pisse ça amène du monde. Pissait qui voulait sur nous, même
les grandes personnes ; surtout dès qu’il pleuvait dans la
rue. On entrait pour ça. Le petit conduit adventice l’allée
Primorgueil on y faisait caca couramment. On aurait eu tort de nous plaindre.
Souvent ça devenait des clients les pisseurs, avec ou sans chien."