Le
net et le flou
Jean-Marie Baldner
Baldner Jean-Marie, Baldner Thomas, Vigouroux Yannick, "Du
flou à l’école de la République", in Les
pratiques pauvres du sténopé au téléphone mobile,
Paris, Scérén-Isthme éditions, 2005, p. 67.
"Le choix s’impose entre la netteté, le
flou et leurs multiples combinaisons, entre la fixité, l’immobilité du
sujet et le mouvement. L’attention se concentre sur les temps propres
du sujet et de l’auteur, sur le processus enclenché de l’instant
où l’on soulève l’adhésif noir qui sert de
cache au sténopé jusqu’à l’image finale, négative
ou positive. Tombe ainsi l’illusion de transcrire la vérité et
la réalité visuelles objectives de l’instant pour enregistrer
un point de vue, une expérience de déformation des normes de
la perspective et de la profondeur de champ, de la perception du sujet, une
atmosphère dans l’anamorphose du réel, un moment de respiration
de l’opérateur. Comme elle cultive l’ombre, la photographie
au sténopé cultive le temps, non celui, obscur, de l’attente
entre le déclenchement et le positif ; mais celui de l’élaboration
et de l’invention d’une gestuelle complète qui engage le
corps et l’esprit du photographe de la pose au positif – geste
et regard, mouvement et immobilité mêlés, respirations
imbriquées du sujet et de l’auteur."