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Damas
Cette
dernière ville est considérée comme l'une des plus nobles de la Syrie.
Sa situation est admirable, son climat tempéré, son sol fécond, ses
eaux et ses fruits abondants ; la fertilité y est générale, les richesses
immenses, les troupes nombreuses, les édifices élevés. De cette ville
dépendent des montagnes et une zone cultivée qu'on appelle Ghûta, dont
la longueur est de deux journées de marche et la largeur d'une journée.
(.)
Le pays de Damas est l'un des plus délicieux pays de Dieu. Les eaux
qui arrosent Ghûta proviennent de la source nommée Fîja, qui surgit
du sommet d'une montagne ; elles descendent comme une grande rivière
du haut de cette montagne avec un bruit et un fracas surprenants qu'on
entend de fort loin. Dans l'intervalle compris entre le village de Abil
et la ville, ces eaux se partagent en divers canaux connus sous les
noms de Nahr-Yazîd, Nahr-Thawra, Nahr-Bardâ, Nahr Qanâ al-Mizza, Nahr-Bânâs,
Nahr-Saqt, Nahr-Yashkûr et Nahr-'Âdiyya ; les eaux de ce dernier ne sont
pas potables, parce que c'est là que se déversent les immondices, les
ordures, les eaux sales et les rigoles de la ville ; il la traverse par
le milieu et il est coupé par un pont sur lequel on passe. Les autres
canaux dont nous venons de parler entrent dans la ville et coulent dans
les maisons, dans les bains, dans les jardins et dans les marchés.
On voit à Damas une grande mosquée sans pareille à la surface de la
terre pour la construction, la beauté, la perfection, la solidité, l'originalité
du plan, l'inventivité et le lustre des différentes sortes de mosaïques
dorées, des briques vernissées et des marbres polis ; elle est dans le
quartier nommé Mîzâb. Quand on arrive par la porte dite de Jayrûn, on
monte par un large et bel escalier de marbre qui a environ trente marches ;
mais quand on vient du côté de la porte Barîd, de la Coupole verte (al-Qubba
al-Khadrâ'), du château de Yatîmîn, de la Pierre d'Or (Hajar al-Dhahab)
et de la porte de Farâdîs, on entre de plain-pied et sans être obligé
de monter aucune marche. On remarque dans cette mosquée divers monuments
curieux ; entre autres, le sanctuaire et la coupole qui est au-dessus
du mihrab, près du lieu [le comte Raymond de Saint-Gilles, en 1104]
réservé. On dit que cet édifice fut construit par les Sabéens et que
c'était pour eux un lieu de prières. Il passa ensuite aux mains des
Grecs, qui y exerçaient leur culte ; puis à celui des princes adorateurs
d'idoles qui y consacraient leurs images ; puis à celui des juifs, vers
l'époque du meurtre de Jean (Yahyâ, Jean Baptiste) fils de Zacharie,
dont la tête fut exposée près de la porte de la mosquée appelée Jayrûn.
Les chrétiens s'emparèrent ensuite de cet édifice, qui devint une église
consacrée aux cérémonies de leur religion ; il tomba enfin au pouvoir
des musulmans, qui le convertirent en mosquée. Sous son règne, Walîd
b. 'Abd al-Malik de la dynastie des Omeyyades, le fit reconstruire et
paver en marbre; les clefs de voûte et les chapiteaux des colonnes furent
dorés, ainsi que le mihrab, les parois de ses murs incrustées de pierres
imitant les pierres précieuses, et le tour du dôme fut en totalité couvert
d'inscriptions et doré, de même que les murs de la mosquée avec un art
et une ornementation admirables ; on ajoute qu'il fit placer au-dessus
du toit de la mosquée une couverture en plomb parfaitement construite.
Les eaux parvenaient au moyen de tuyaux de plomb à la mosquée, de sorte
que, lorsqu'on avait besoin de la laver, on ouvrait ces tuyaux et on
lavait toute la surface très facilement. On dit que la restauration
de cet édifice coûta à Walîd b. 'Abd al-Malik, cité plus haut, une somme
égale à deux années du revenu de toute la Syrie. Damas est une ville
récente ; elle portait autrefois le nom d'un de ses quartiers (actuels),
Jâbiyya. La ville fut fondée en ce lieu avant l'époque de l'islam.
(.)
Dans cette ville sont réunies toutes sortes de bonnes choses, les différents
genres d'industries les différents types d'étoffes de soie, comme la
soie écrue, le brocard de grand prix, d'un travail merveilleux et sans
comparaison ; il s'en fait une exportation considérable dans le pays,
ainsi que dans les pays proches et lointains. Ces brocards égalent les
brocards merveilleux de l'Empire grec (al-Rûm), se comparent avec les
étoffes de Tustar et sont à la lutte avec les produits d' Ispahan (Isbahân).
Le travail de leurs broderies est préférable à celui des broderies de
Nichapour (Nîsâbûr) pour les soieries unies, et aux étoffes merveilleuses
de Tinnîs. Et Damas a une grande diversité d'étoffes précieuses, et
de toutes les choses les meilleures. Sur les cours d'eau qui circulent
dans l'intérieur de la ville, il y a un grand nombre de moulins, car
le blé est très abondant à Damas et il y a toute sorte de fruits. Quant
aux douceurs qu'on y fabrique, elles sont sans pareilles et leur quantité,
leur bonté, leur excellence sont au-dessus de tout éloge. Enfin les
habitants disposent du bien-être et de tout le nécessaire. Les productions
sont demandées, le commerce est rentable et cette ville l'emporte sur
toutes les autres de la Syrie en perfection.
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