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Pour l'envahisseur
apprendre la langue du peuple conquis est une habileté ; pour
ce dernier apprendre la langue du conquérant est une compromission,
voire une trahison. De fait, les Franj 1
ont été nombreux à apprendre l'arabe alors que les
habitants du pays, à l'exception de quelques chrétiens,
sont demeurés imperméables aux langues des Occidentaux.
On pourrait multiplier les exemples, car, dans tous les domaines, les
Franj se sont mis à l'école arabe, aussi bien en Syrie qu'en
Espagne ou en Sicile. Et ce qu'ils y ont appris était indispensable
à leur expansion ultérieure. L'héritage de la civilisation
grecque n'aura été transmis à l'Europe occidentale
que par l'intermédiaire des Arabes, traducteurs et continuateurs.
En médecine, en astronomie, en chimie, en géographie, en
mathématiques, en architecture, les Franj ont tiré leurs
connaissances des livres arabes qu'ils ont assimilés, imités,
puis dépassés. Que de mots en portent encore le témoignage :
zénith, nadir, azimut, algèbre, algorithme, ou plus simplement
"chiffre". S'agissant de l'industrie, les Européens ont
repris, avant de les améliorer, les procédés utilisés
par les Arabes pour la fabrication du papier, le travail du cuir le textile,
la distillation de l'alcool et du sucre encore deux mots empruntés
à l'arabe. On ne peut non plus oublier à quel point l'agriculture
européenne s'est elle aussi enrichie au contact de l'Orient :
abricots, aubergines, échalotes, oranges, pastèques... La
liste des mots "arabes" est interminable.
Amin
Maalouf, Les Croisades vues par les Arabes,
éditions Jean-Claude Lattès, Paris, 1983.
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