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Fès est en fait
le produit de la réunion de deux villes séparées
par une rivière dont la source est connue sous le nom de Aanhâja,
et dont les eaux font tourner un grand nombre de moulins dans lesquels
on moud le froment, sans que cela coûte beaucoup. La ville septentrionale
se nomme al-Qarawiyyîn, et la ville méridionale, al-Andalus.
Il y a un peu d'eau dans cette dernière, mais elle est traversée
par un unique cours d'eau, dans sa partie supérieure. Quant à
la ville des Qarawiyyîn, l'eau y circule abondamment dans chaque
rue et dans chaque ruelle on trouve une conduite. Lorsqu'ils le souhaitent,
les habitants du lieu en font couler de l'eau. Ainsi ils lavent les lieux
la nuit, de sorte que leurs ruelles et leurs cours sont propres. Dans
chaque maison, qu'elle soit petite ou grande, il y a une conduite d'eau
pure ou non. Chacune des deux villes a sa mosquée du vendredi,
sa chaire et son imam. Entre les deux quartiers ce ne sont que division
et affrontements et il n'est pas rare que les jeunes gens des deux villes
s'entretuent.
La ville de Fès est dotée de domaines agricoles, de sources
de revenu, de bâtiments élevés, de demeures et de
palais. Ses habitants s'occupent de leurs besoins, disposent de constructions,
de tous les équipements et d'un bien-être abondant. Le blé
y est meilleur marché que dans les villes environnantes ; les fruits
y sont abondants et la fertilité y est extrême. On y voit
de toutes parts des fontaines approvisionnées en eau courante,
surmontées de coupoles et de voûtes incurvées couvertes
de sculptures et de différents types de décoration. À
l'extérieur de la ville l'eau coule en permanence de sources abondantes.
Ses alentours sont verts, ses jardins sont prospères et ses parcs
denses. Ses habitants sont fiers et arrogants.
Al-Idrîsî, Nuzhat
al-mushtaq fî ikhtirâq al-âfâq,
encore appelé Livre de Roger. Sicile, 1154.
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