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Tous les savoirs du monde :
Moyen Âge en pays d'Islam

[Les dossiers pédagogiques]

1. Bibliothèques musulmanes
2. Adab

[Sommaire du Cahier TSM]

1. Transmission et diffusion du savoir dans les bibliothèques musulmanes
De Bagdad à Fès, du IXe au XIVe siècle

Dans la nouvelle culture qui se constitue à la naissance de l'Islam en Arabie au VIIe siècle puis avec sa diffusion de la Perse à l'Espagne au siècle suivant, le livre joue un rôle important. La maîtrise dès le VIIIe siècle des procédés de fabrication du papier à partir de fibres de lin ou de chanvre (introduits sans doute par des chinois faits prisonniers à Samarcande) assure au livre, au sein du monde arabe, un vaste essor.

Les bibliothèques califales vont être des lieux décisifs dans la collecte, la diffusion, la copie et la traduction des ouvrages et contribuer à forger l'unité de la culture musulmane autour de la littérature d'adab.


Al-Hariri (1054-1122), Une bibliothèque à Bassora,
Al-Maqâmât (Les Séances)
copié et peint par al-Wâsilî à Bagdad, 1236
Paris, BnF

Bibliothèques califales

Un regard comparatif sur trois de ces bibliothèques califales met en évidence un important point commun : ces institutions furent toutes fondées dans des périodes charnières représentant des tournants culturels, par des souverains désireux de répandre le savoir et d'éclairer la réflexion des élites.


Salmani,  Les Merveilles des créatures et les Curiosités des êtres
Copie de 1388 : le pélican (extrait).
Paris, BnF.

1. Bagdad
2. Cordoue
3. Le Caire

1. Bagdad au IXe siècle : la Maison de la sagesse

À Bagdad au IXe siècle sous l'impulsion du calife al-Ma'mûn la Maison de la sagesse connaît un développement sans précédent et devient un lieu de rapprochement entre la philosophie et les sciences religieuses, orienté vers la défense et la propagation de l'islam et réalisant en même temps une synthèse vivante avec la culture persane.


Les Aphorismes, Hippocrate
traduction arabe et syriaque (808-873)
Paris, BnF

Elle comporte une bibliothèque, mais aussi un centre de traductions et un centre de réunions. Les savants (particulièrement les astronomes) en deviennent les principaux utilisateurs. Sous le gouvernement d'al-Ma'mûn le mouvement de recherche des textes grecs s'accentue : les livres grecs sont acquis, pacifiquement ou comme prises de guerre, dans l'empire byzantin, puis traduits en arabe.

La société musulmane s'estime alors héritière de la science antique, redécouvrant ce que les Byzantins, ont oublié depuis l'avènement du christianisme.

Ainsi, écrit au IXe siècle al-Mas'ûdî :

« Les sciences étaient en honneur et jouissaient d'un crédit universel : assises sur des bases solides et grandioses, elles s'élevaient chaque jour davantage, lorsque la religion chrétienne fit son apparition chez les Rûm : ce fut alors un coup fatal pour l'édifice scientifique :;ses vestiges disparurent et ses chemins s'effacèrent. Tout ce que les auteurs grecs avaient mis en lumière s'évanouit et les découvertes dues au génie antique s'altérèrent.»

La traduction était à Bagdad une tradition ancienne. La nouveauté avec 'al-Ma'mûn c'est que les traductions sont améliorées, confrontées les unes aux autres, et utilisées pour la production d'oeuvres nouvelles souvent copiées et reliées dans l'enceinte même de la Maison de la Sagesse.

2. Cordoue au Xe siècle

Au Xe siècle, alors que Cordoue commence à devenir un centre culturel autonome à l'intérieur du monde musulman, le calife omeyyade d'Espagne al-Hakam II constitue une bibliothèque riche, dit-on, de 400 000 volumes (il faut sans doute entendre «un grand nombre»). Il dépense beaucoup d'argent pour acquérir des livres dans les pays où il a implanté des libraires-correspondants. Il installe à son service de nombreux libraires-copistes et relieurs et fait rédiger des livres dans les domaines les plus divers.

À sa mort son successeur fera détruire les ouvrages de philosophie et d'astrologie par intransigeance religieuse. Seules seront épargnées la médecine et les mathématiques.

3. Le Caire au XIe siècle : une Maison du savoir

Enfin, au XIe siècle, le calife fatimide al-Hâkim fonde au Caire une Maison du savoir qu'il pourvoit de nombreux livres de sa collection personnelle, où il place des bibliothécaires et des gardiens qu'il paye de ses propres deniers. On y débat avec ardeur de littérature et de droit musulman.

Bibliothèques des mosquées et des madrasa

À côté des bibliothèques califales existent des bibliothèques implantées dans les mosquées et dans les madrasas . Nombreuses sont celles qui subsistent encore aujourd'hui.

  • Les bibliothèques de mosquées reçoivent des exemplaires du Coran destinés à l'enseignement ou à la lecture à haute voix. Elles conservent aussi des ouvrages profanes. Le plus souvent, les responsables des bibliothèques de mosquées ne choisissent pas leurs ouvrages : ils proviennent de donations effectuées dans le cadre du waqf (acte juridique par lequel une personne pour être agréable à Dieu fait un don à perpétuité à une oeuvre charitable). L'accès public y est assez courant. Les livres servent aussi à l'enseignement. Souvent, un maître lit et commente un ouvrage et les gens se rassemblent autour de lui.
  • Les madrasas sont des institutions d'enseignement destinées aux élites religieuses. On y apprend essentiellement le droit musulman ; généralement, les étudiants reçoivent une bourse et sont logés dans l'école.


Al-‘Umari, Sentiers à parcourir des yeux dans les royaumes à grandes capitales
Copie du XIVe siècle : le cognassier (extrait).
Paris, BnF.

Au XIVe siècle à Fès, le souverain Abû'Inan Fâris* fonde deux bibliothèques l'une attachée à la mosquée et l'autre à la madrasa, l'une dédiée aux corans, l'autre aux ouvrages de sciences. Cette dernière agrandie au XVIe siècle, existe encore aujourd'hui.

* On dit de lui qu'il aimait tellement les livres qu'il voyageait avec sa bibliothèque emportant parfois jusqu'à quatre-vingts livres !

« Le Prince des Croyants al-Mawlà Abù'Inan a fondé cette bibliothèque bienfaisante multidisciplinaire, qui contient les livres dont il a fait don, pris dans son propre palais, livres qui traitent de tout ce dont il est nécessaire pour exalter et honorer les bontés divines. Abù'Inan a constitué cette bibliothèque - que Dieu lui accorde la victoire - en a fait don en bien mainmorte à tous les musulmans pour l'éternité. Il l'a créée pour encourager - que Dieu l'assiste - la quête de la science, ses manifestations, sa maîtrise, sa diffusion et aussi pour faciliter la tâche à celui qui désire étudier, copier, lire et collationner les ouvrages qu'elle contient. Par ailleurs, il est interdit à quiconque de sortir les livres de la bibliothèque où ils sont placés. Abù'Inan a voulu ainsi honorer la face sublime de Dieu ».

(Frontispice de la nouvelle bibliothèque de Fès, inscrit en 1355)

Règles de la transmission des hadît (traditions)

1. Samâ' : l'auditeur écoute les traditions récitées de mémoire ou lues.
2. Qirâ'a : le disciple lit à haute voix ou récite par coeur le hadît devant le sayh qui compare ce qui est récité avec son exemplaire ou avec ce qu'il conserve en mémoire.
3. Ijâza : autorisation, licence de transmettre.
4. Munâwala : le sayh remet au disciple un texte original ou une copie collationnée par ses soins.
5. Kitâba : le sayh ou son disciple exécute une copie de son texte à l'intention d'un auditeur.
6. I'lam : «déclaration». Le sayh déclare avoir entendu les hadith.
7. Wasiyya : «testament». Le maître lègue un recueil de traditions.
8. Wijâda : «fait de trouver». Le récepteur devient possesseur du manuscrit du dernier transmetteur, il acquiert le droit de faire emploi du manuscrit ainsi trouvé.

 

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