L'époque mérovingienne

Article de Marie-Jeanne Tits-Dieuaide paru dans le catalogue Paysages, paysans. L'art et la terre en Europe du Moyen Âge au XXe siècle (BnF/RMN, Paris, 1994)

 
    La prépondérance des campagnes

 

Pendant tout le "Moyen Âge", c'est-à-dire du Ve au XVe siècle, les campagnes ont occupé une place prépondérante, essentielle, en Europe occidentale.
Lorsque se sont achevées les invasions germaniques, dans le courant du Ve siècle, les villes avaient perdu beaucoup de leur substance. De nombreux habitants avaient fui, et notamment les plus riches d'entre eux, ceux qui, par leur mode de vie et leurs habitudes de consommation, faisaient vivre artisans et commerçants. Ces riches citadins, qui étaient aussi de grands propriétaires fonciers, s'étaient retirés dans leurs domaines, tandis que les artisans se repliaient sur des bourgs ruraux. Les villes n'ont plus survécu alors que comme centres religieux et culturels surtout et, dans une moindre mesure, comme centres administratifs. Ainsi, la presque totalité de la population, désormais clairsemée, était désormais rurale, à tous les échelons de la société. En effet, l'insécurité omniprésente et durable créée par la crise économique du IIIe siècle et plus encore par les invasions a entraîné un net déclin démographique, qui n'a été que peu enrayé par l'arrivée et l'installation des envahisseurs germaniques. C'est leur détermination passablement brutale et non leur nombre qui est en cause dans la dévastation et la désorganisation des territoires envahis.

    Chasse, élevage, pêche et cueillette l'emportent sur l'agriculture



 

(…) L'analyse d'ossements provenant de cimetières mérovingiens montre que l'espérance de vie variait entre 25 et 45 ans ; cependant si l'on survivait aux premières années, il n'était pas rare d'atteindre, voire de dépasser, l'âge de 65 ans.
(…) Au cours de trois siècles de troubles continus, beaucoup de terres jadis cultivées étaient retournées à la friche, de sorte qu'il ne restait plus que des îlots cultivés dans un océan de forêts, de landes et de marécages. Dans les grands domaines mérovingiens, dont certains s'étendaient sur plusieurs milliers d'hectares, les cultures en occupaient au plus quelques dizaines. Cultures médiocres au demeurant, car il semble que les paysans ne disposaient généralement que d'outils en bois. Pourtant, l'iconographie de l'époque mérovingienne montre déjà des hommes cultivant la terre à l'aide d'outils ferrés, bêches ou socs d'araire.
En définitive, à l'époque mérovingienne, les hommes demandaient donc l'essentiel de leurs moyens de subsistance à la forêt, aux friches de toute nature, aux rivières et aux étangs : la chasse, l'élevage, la pêche et la cueillette l'emportaient, et de loin, sur l'agriculture.