Théophile Gautier (1811-1872), auteur du texte ; Gustave Doré (1832-1883), illustrateur ; Charpentier, éditeur, Paris.
In-4°, 500 p.
Isabelle subit les assauts du duc de Vallombreuse, malgré la surveillance de la troupe de comédiens et plus particulièrement de Sigognac, alias le capitaine Fracasse, qui est amoureux d’elle. Le tourbillon de péripéties s’achève avec une scène de reconnaissance où il s’avère qu’Isabelle est la sœur du duc. Le prince peut alors donner la main d’Isabelle, jeune fille noble, au baron de Sigognac. Les deux époux retournent vivre dans le « château de la misère » devenu le « château du bonheur ».
« Isabelle ouvrit enfin les yeux, et son premier regard rencontra le prince tenant la bague qu'il lui avait ôtée du doigt. Il lui sembla avoir déjà vu cette figure, mais jeune encore, sans cheveux blancs ni barbe grise. On eût dit la copie vieillie du portrait placé au-dessus de la cheminée. Un sentiment de vénération profonde envahit à son aspect le cœur d'Isabelle. Elle vit aussi près d'elle le brave Sigognac et le bon Hérode, tous deux sains et saufs, et aux transes de la lutte succéda la sécurité de la délivrance. Elle n'avait plus rien à craindre ni pour ses amis, ni pour elle. Se soulevant à demi, elle inclina la tête devant le prince, qui la contemplait avec une attention passionnée, et paraissait chercher dans les traits de la jeune fille une ressemblance à un type autrefois chéri.
– De qui, mademoiselle, tenez-vous cet anneau qui me rappelle certains souvenirs ; l'avez-vous depuis longtemps en votre possession ? dit le vieux seigneur d'une voix émue.
– Je le possède depuis mon enfance, et c'est l'unique héritage que j'aie recueilli de ma mère, répondit Isabelle.
– Et qui était votre mère, que faisait-elle ? dit le prince avec un redoublement d'intérêt.
– Elle s'appelait Cornélia, repartit modestement Isabelle, et c'était une pauvre comédienne de province qui jouait les reines et les princesses tragiques dans la troupe dont je fais partie encore.
– Cornélia ! Plus de doute, fit le prince troublé, oui, c'est bien elle ; mais, dominant son émotion, il reprit un air majestueux et calme, et dit à Isabelle : Permettez-moi de garder cet anneau. Je vous le remettrai quand il faudra.
– Il est bien entre les mains de votre seigneurie, répondit la jeune comédienne, en qui, à travers les brumeux souvenirs de l'enfance, s'ébauchait le souvenir d'une figure que, toute petite, elle avait vue se pencher vers son berceau. »
Théophile Gautier,
Le Capitaine Fracasse, chapitre VII, 1863.
>Texte intégral dans Gallica : Charpentier, 1863