Paris, 1840.
Deslauriers est le meilleur ami de Frédéric. Ensemble au collège, ils ont rêvé à leur grandeur future. De famille plus modeste, Deslauriers travaille d’arrache-pied pour devenir avocat. Il est bien plus énergique que son comparse, mais n’en réussit pas mieux sa vie. Après une ellipse de quinze ans, le roman se clôt par une discussion au coin du feu entre Deslauriers et Frédéric.
« Et ils résumèrent leur vie.
Ils l’avaient manquée tous les deux, celui qui avait rêvé l’amour, celui qui avait rêvé le pouvoir. Quelle en était la raison ?
– C’est peut-être le défaut de ligne droite, dit Frédéric.
– Pour toi, cela se peut. Moi, au contraire, j’ai péché par excès de rectitude, sans tenir compte de mille choses secondaires, plus fortes que tout. J’avais trop de logique, et toi de sentiment.
Puis, ils accusèrent le hasard, les circonstances, l’époque où ils étaient nés.
Frédéric reprit :
– Ce n’est pas là ce que nous croyions devenir autrefois, à Sens, quand tu voulais faire une histoire critique de la Philosophie, et moi, un grand roman Moyen-Âge sur Nogent, dont j’avais trouvé le sujet dans Froissard : Comment messire Brokars de Fénestranges et l’évêque de Troyes assaillirent messire Eustache d’Ambrecicourt. Te rappelles-tu ?
Et, exhumant leur jeunesse, à chaque phrase, ils se disaient :
– Te rappelles-tu ? »
Gustave Flaubert,
L’Éducation sentimentale, III, 7, 1869.
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