Victor Hugo (1802-1885), auteur ; Alfred Albert (1814?-1879), dessinateur, 1872.
Don Salluste, disgracié par la reine d’Espagne pour son inconduite, décide de se venger. Il convainc son valet, Ruy Blas, de prendre l'habit de son cousin, Don César de Bazan. Don Salluste encourage l'amour de Ruy Blas pour la reine, espérant ainsi la perdre en révélant sa liaison avec un laquais. Dans l’acte II, la rêverie mélancolique de la reine – d’origine allemande – introduit une pause poétique.
« LA REINE,
Elle s'éloigne un peu de Casilda et retombe dans sa rêverie.
Que ne suis-je encor, moi qui crains tons ces grands,
Dans ma bonne Allemagne avec mes bons parents !
Comme, ma sœur et moi, nous courions dans les herbes !
Et puis des paysans passaient traînant des gerbes ;
Nous leur parlions. C'était charmant. Hélas ! un soir,
Un homme vint, qui dit : – Il était tout en noir.
Je tenais par la main ma sœur, douce compagne. –
"Madame, vous allez être reine d'Espagne."
Mon père était joyeux et ma mère pleurait.
Ils pleurent tous les deux à présent. – En secret
Je vais faire envoyer cette boîte à mon père,
Il sera bien content. – Vois, tout me désespère.
Mes oiseaux d'Allemagne, ils sont tous morts ;
Casilda fait le signe de tordre le cou à des oiseaux, en regardant de travers la camerera.
Et puis
On m'empêche d'avoir des fleurs de mon pays.
Jamais à mon oreille un mot d'amour ne vibre.
Aujourd'hui je suis reine. Autrefois j'étais libre !
Comme tu dis, ce parc est bien triste le soir,
Et les murs sont si hauts qu'ils empêchent de voir,
– Oh ! l'ennui ! – »
Victor Hugo,
Ruy Blas, II, 1.
>Texte intégral dans Gallica : Leipzig, Brockhaus et Avenarius, 1838.