Victor Hugo (1802-1885), auteur ; Alfred Albert (1814?-1879), dessinateur, 1872.
À la fin de l’acte V, Ruy Blas, acculé, avoue à la reine son véritable nom et son amour.
« LA REINE. Que voulez-vous ?
RUY BLAS,
joignant les mains. Que vous me pardonniez, madame !
LA REINE. Jamais.
RUY BLAS. Jamais !
Il se lève et marche lentement vers la table.
Bien sûr ?
LA REINE. Non, jamais !
RUY BLAS.
Il prend la fiole posée sur la table, la porte à ses lèvres et la vide
d'un trait. Triste flamme,
Éteins-toi !
LA REINE,
se levant et courant à lui. Que fait-il ?
RUY BLAS,
posant la fiole. Rien. Mes maux sont finis.
Rien. Vous me maudissez, et moi je vous bénis.
Voilà tout.
LA REINE,
éperdue. Don César !
RUY BLAS. Quand je pense, pauvre ange,
Que vous m'avez aimé !
LA REINE. Quel est ce philtre étrange ?
Qu'avez-vous fait ? Dis-moi ! réponds-moi ! parle-moi !
César ! je te pardonne et t'aime et je te croi !
RUY BLAS. Je m'appelle Ruy Blas.
LA REINE,
l'entourant de ses bras. Ruy Blas, je vous pardonne !
Mais qu'avez-vous fait là ? Parle, je te l'ordonne !
Ce n'est pas du poison, cette affreuse liqueur ?
Dis ?
RUY BLAS. Si ! c'est du poison. Mais j'ai la joie au cœur.
Tenant la reine embrassée et levant les yeux au ciel.
Permettez, ô mon Dieu ! justice souveraine !
Que ce pauvre laquais bénisse cette reine,
Car elle a consolé mon cœur crucifié,
Vivant, par son amour, mourant, par sa pitié ! »
Victor Hugo,
Ruy Blas, V, 4.
>Texte intégral dans Gallica : Leipzig, Brockhaus et Avenarius, 1838.