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La
Rochefoucauld, Portrait du cardinal de retz Paul de Gondi, cardinal de Retz, a beaucoup
délévation, détendue desprit, et plus dostentation que de vraie
grandeur de courage. Il a une mémoire extraordinaire, plus de force que de politesse dans
ses paroles, lhumeur facile, de la docilité et de la faiblesse à souffrir les
plaintes et les reproches de ses amis, peu de piété, quelques apparences de religion. Il
paraît ambitieux sans lêtre ; la vanité, et ceux qui lont conduit, lui
ont fait entreprendre de grandes choses, presque toutes opposées à sa profession ;
il a suscité les plus grands désordres de lEtat, sans avoir un dessein formé de
sen prévaloir, et bien loin de se déclarer ennemi de cardinal Mazarin pour occuper
sa place, il na pensé quà lui paraître redoutable, et à se flatter de la
fausse vanité de lui être opposé. Il a su néanmoins profiter avec habilité des
malheurs publics pour se faire cardinal ; il a souffert la prison avec fermeté, et
na dû sa liberté quà sa hardiesse. La paresse la soutenu avec gloire,
durant plusieurs années, dans lobscurité dune vie errante et cachée. Il a
conservé larchevêché de Paris contre la puissance du cardinal Mazarin ; mais
après la mort de ce ministre, il sen est démis sans connaître ce quil
faisait, et sans prendre cette conjoncture pour ménager les intérêts de ses amis et les
siens propres. Il est entré dans divers conclaves, et sa conduite a toujours augmenté sa
réputation. Sa pente naturelle est loisiveté ; il travaille néanmoins avec
activité dans les affaires qui le pressent, et il se repose avec nonchalance quand elles
sont finies. Il a une présence desprit, et il sait tellement tourner à son
avantage les occasions que la fortune lui offre, quil semble quil les ait
prévues et désirées. Il aime à raconter ; il veut éblouir indifféremment tous
ceux qui lécoutent par des aventures extraordinaires, et souvent son imagination
lui fournit plus que sa mémoire. Il est faux dans la plupart de ses qualités, et ce qui
a le plus contribué à sa réputation cest de savoir donner un beau jour à ses
défauts. Il est insensible à la haine et à lamitié, quelque soin quil ait
pris de paraître occupé de lune ou de lautre ; il est incapable
denvie ni davarice, soit par vertu, ou par inapplication. Il a plus emprunté
de ses amis quun particulier ne pouvait espérer de leur pouvoir rendre ; il a
senti de la vanité à trouver tant de crédit, et à entreprendre de sacquitter. Il
na point de goût ni de délicatesse ; il samuse à tout et ne se plaît
à rien ; il évite avec adresse de laisser pénétrer quil na
quune légère connaissance de toutes choses. La retraite quil vient de faire
est la plus éclatante et la plus fausse action de sa vie ; cest un sacrifice
quil fait à son orgueil, sous prétexte de dévotion : il quitte la cour, où
il ne peut sattacher, et il séloigne du monde, qui séloigne de lui. |
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Mémoires,1662 |
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|L'aristocrate, l'homme de cour| |