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Saint-Simon,
Portrait du duc de Vendôme Il était dune taille ordinaire pour la
hauteur, un peu gros, mais vigoureux, fort et alerte ; un visage fort noble et
lair haut, de la grâce naturelle dans le maintien et dans la parole, beaucoup
desprit naturel, quil navait jamais cultivé, une énonciation facile,
soutenue dune hardiesse naturelle, qui se tourna depuis en audace la plus
effrénée ; beaucoup de connaissance du monde, de la cour, des personnages
successifs, et, sous une apparente incurie, un soin et une adresse continuelle à en
profiter en tout genre ; surtout admirable courtisan, et qui sut tirer avantage
jusque de ses plus grands vices ; à labri du faible du Roi pour sa
naissance ; poli par art, mais avec un choix et une mesure, avare, insolent à
lexcès dès quil crut le pouvoir oser impunément, et, en même temps,
familier et populaire avec le commun par une affectation qui voilait sa vanité et le
faisait aimer du vulgaire ; au fond, lorgueil même, et un orgueil qui voulait
tout, qui dévorait tout. A mesure que son rang séleva et que sa faveur augmenta,
sa hauteur, son peu de ménagement, son opiniâtreté jusquà lentêtement,
tout cela crût à proportion, jusquà se rendre inutile toute espèce davis,
et se rendre inaccessible quà un nombre très petit de familiers, et à ses valets.
La louange, puis ladmiration, enfin ladoration, furent le canal unique par
lequel on pût approcher ce demi-dieu, qui soutenait des thèses ineptes sans que personne
osât, non pas contredire, mais ne pas approuver. |
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Mémoires,1829-1830 |
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|L'aristocrate, l'homme de cour| |