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Honoré
de Balzac, Le Colonel Chabert![]() Le Colonel Charbert était aussi parfaitement immobile que peut lêtre une figure en cire de ce cabinet de Curtius où Godeschal avait voulu mener ses camarades. Cette immobilité naurait peut-être pas été un sujet détonnement, si elle neût complété le spectacle surnaturel que présentait lensemble du personnage. Le vieux soldat était sec et maigre. Son
front, volontairement caché sous les cheveux de sa perruque lisse, lui donnait quelque
chose de mystérieux. Ses yeux paraissaient couverts dune taie transparente :
vous eussiez dit de la nacre sale dont les reflets bleuâtres chatoyaient à la lueur des
bougies. Le visage pâle, livide et en lame de couteau, sil est permis
demprunter cette expression vulgaire, semblait mort. Le cou était serré par une
mauvaise cravate de soie noire. Lombre cachait si bien le corps à partir de la
ligne brune que décrivait ce haillon, quun homme dimagination aurait pu
prendre cette vieille tête pour quelque silhouette due au hasard, ou pour un portrait de
Rembrandt, sans cadre. Les bords du chapeau qui couvrait le front du vieillard projetaient
un sillon noir sur le haut du visage. Cet effet bizarre, quoique naturel, faisait
ressortir, par la brusquerie du contraste, les rides blanches, les sinuosités froides, le
sentiment décoloré de cette physionomie cadavéreuse. Enfin labsence de tout
mouvement dans le corps, de toute chaleur dans le regard, saccordait avec une
certaine expression de démence triste, avec les dégradants symptômes par lesquels se
caractérise lidiotisme, pour faire de cette figure je ne sais quoi de funeste
quaucune parole humaine ne pourrait exprimer. |
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Le Colonel
Chabert,1832. |
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|La vieillesse| |