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Tous les savoirs du monde :
La fabrique de l'Encyclopédie

[Les dossiers pédagogiques]

1. La chronologie
2. Les sources proches et lointaines
3. Les rédacteurs
4. L'emblème des Lumières

[Sommaire du Cahier TSM]

4. L'encyclopédie emblème des Lumières
(les objectifs de Diderot et d'Alembert)

Une autre façon d'aborder la connaissance

LEncyclopédie se démarque de ces prédécesseurs dans la façon d’aborder la connaissance. Dès la rédaction du Prospectus (1750), en choisissant de présenter la division des sciences suivant l’arbre, ou « système figuré des connaissances humaines » inspiré de Bacon, Diderot se place hors du projet initial de traduction de Chambers.

Ce système dessine les relations de dépendance et de voisinage entre les savoirs, qui, selon d’Alembert,« peuvent se réduire à trois espèces :
  • l’histoire,
  • les arts tant libéraux que mécaniques
  • et les sciences proprement dites, qui ont pour objet les matières
    de pur raisonnement
     ».

La philosophie constitue le tronc de l’arbre et la théologie n’en est plus qu’une branche éloignée.

Dans son Discours préliminaire, d’Alembert, énonçant les principes de l’entreprise, spécifie que la connaissance vient des sens et non de Rome ou de la Bible. L’Encyclopédie place l’homme au centre de l’univers. Présentée comme une oeuvre de compilation, elle n’en est pas moins un manifeste philosophique.

Le tableau des connaissances laisse entrevoir au lecteur les différentes opérations de jonction, de déplacement, de hiérarchisation, qui constituent, d’après d’Alembert, la supériorité du dictionnaire encyclopédique :

« Montrer la liaison scientifique de l’article qu’on lit avec d’autres articles
qu’on est le maître, si l’on veut, d’aller chercher
».

Un système de renvois très élaboré

Cette liberté offerte au lecteur est toutefois éclairée par un système de renvois très élaboré, qui permet de créer des connexions entre les sciences, de compléter, de reconstituer l’enchaînement des causes, et qui fait de l’Encyclopédie le Dictionnaire raisonné qu’elle prétend être. L’objectif de ces renvois est double :

  • remédier, certes, à l’ordre alphabétique qui empêche de traiter d’une science dans son intégralité,
  • mais aussi, plus sournoisement, déjouer la censure pour exprimer des idées non conformes à celles reconnues par l’Église et l’État.

Ainsi :

  • l’article « Cordeliers », plutôt élogieux vis-à-vis de cet ordre, renvoie à « Capuchon » où les religieux sont ridiculisés,
  • la « Constitution Unigenitus » est critiquée à l’article « Controverse » et « Convulsionnaire »,
  • les attaques les plus virulentes contre l’absolutisme politique ou religieux sont contenues dans des textes aux titres les plus anodins (l’article « Genève », rédigé par d’Alembert, renferme une violente critique du parti dévôt français et des prêtres genevois) ou les plus saugrenus (dans « Aschariouns » et « Épidélius » on trouve une dénonciation des absurdités du christanisme).

Le savoir à portée de tous

Une autre préoccupation des encyclopédistes apparaît constamment dans leur ouvrage : mettre le savoir à la portée de tous. La multiplication des illustrations participe de cette volonté.

Diderot l’annonçait dans le Prospectus :

« Un coup d’oeil sur l’objet ou sur sa représentation
en dit plus long qu’une page de discours.
»

L’iconographie se développe d’autant plus qu’après l’interdiction de l’Encyclopédie autorisation est donnée de publier un recueil de planches. L’image devient alors prioritaire, elle n’est plus illustration au service d’un texte, c’est au contraire le texte qui explique l’image.

 

Encyclopédie de Diderot, Typographe devant une casse
Paris, BnF.

À travers leur oeuvre, les encyclopédistes ont fait passer leur idéal philosophique :

  • diffuser auprès du plus grand nombre un savoir libre de tout préjugé, de toute superstition,
  • mesurer les connaissances à l’aune de la raison,
  • enfin, fournir un matériel pour, comme Diderot le proclame dans l’article « Encyclopédie », « changer la façon commune de penser ».

Ce qui caractérise le philosophe et le distingue du vulgaire,
c’est qu’il n’admet rien sans preuve,
qu’il n’acquiesce point à des notions trompeuses
et qu’il pose exatement les limites du certain, du probable et du douteux.
Cet ouvrage produira sûrement avec le temps une révolution dans les esprits,
et j’espère que les tyrans, les oppresseurs, les fanatiques et les intolérants
n’y gagneront pas. Nous aurons servi l’humanité.


Lettre de Diderot à Sophie Volland (26 septembre 1762).

  

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