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1. Aristote
2. Alexandrie
[Sommaire du Cahier TSM]

1. Aristote, traduit, commenté et transmis par les Arabes

"Origine", "commencement", "principe de tout savoir", ainsi était qualifiée l'oeuvre d'Aristote (384-322 av. J.-C.) par Serge de Resh'ayna, médecin savant d'Alexandrie au VIe siècle, grand traducteur de textes grecs en syriaque. Aristote avait réuni les disciplines du savoir en un corpus organisé (base de toute classification ultérieure) et, en même temps, il avait donné une théorie de la science; il était à la fois maître en logique et maître ès sciences.
 

Pour les philosophes grecs des Ve et VIe siècles, l'étude d'Aristote précédait et préparait celle de Platon, l'enseignement de la philosophie débutant par sa logique. A partir du VIIe siècle, c'est donc un Aristote commenté par les néoplatoniciens grecs des Ve et VIe siècles qui était étudié dans les monastères de Syrie et de Mésopotamie.

 

Au VIIIe siècle, l'Empire musulman en pleine expansion transférait sa capitale de Damas à Bagdad et allait intégrer des cultures aussi différentes que celles de la Perse et de Byzance. Un important mouvement de traduction arabe se développe alors, à partir des ouvrages scientifiques grecs originaux ou en version syriaque. Des textes indiens sur l'astronomie entrent également dans cette entreprise qui se poursuit jusqu'au Xe siècle, englobant des oeuvres de divertissement ou de science politique. Une culture philosophique et scientifique arabe d'envergure se structure, faite de l'assimilation des savoirs grecs, perses, indiens, synthétisés à travers l'Islam.


Aristote, Organon
traduction arabe, IXe-Xe siècle
Paris, BnF


Le canon de médecine d'Avicenne
Copié par Ibn Mahmûd al-Mutatabbib, 1447-1448
Paris, BnF

Les classifications arabes reposent sur la classification des disciplines scientifiques d'Aristote. Les savants arabes imitent et complètent ses traités de philosophie "naturelle". Au Xe siècle, al-Fârâbî (875-950) donne une interprétation d'Aristote et de Platon qui va prévaloir auprès des auteurs latins et son Enumération des sciences connaîtra dans la traduction latine de Gérard de Crémone, une large postérité. Le Canon de médecine d'Avicenne, également inspiré des écrits d'Aristote enrichis des commentaires grecs et arabes, constituera le fondement de l'enseignement médical en Europe jusqu'au XVIIe siècle.

Il y a cependant des oppositions à l'intégration dans la pensée musulmane de la logique grecque, du côté de théologiens arabes comme al-Ghazali (1059-1111), lui-même critiqué par Averroès (1126-1198), sans doute le plus important commentateur d'Aristote, celui qui aura la plus grande influence sur la culture latine.

Au XIIe siècle, le centre de la culture arabe s'est déplacé de Bagdad à Cordoue et il se produit dans cette ville une controverse identique à celle qui eut lieu un siècle auparavant, entre tenants de la spécificité de la grammaire arabe et défenseurs de la logique grecque. Averroès, dans son souci de retrouver la véritable doctrine d'Aristote remet en cause certaines interprétations, estimant, à l'instar de Serge Resh'ayna six siècles plus tôt, que le philosophe grec est à la fois au point de départ et à l'aboutissement des sciences: "aucun de ceux qui l'ont suivi jusqu'à notre temps [...] n'a pu ajouter, à ce qu'il a dit, rien qui soit digne d'attention".
 


Ibn Rusd dit Averroès,
Extrait de Talhis kitab al-nafs
(Commentaire moyen sur le Traité de l’âme d’Aristote)
Paris, BnF.

Averroès ne s'est pas contenté de compiler les textes d'Aristote, il les a explicité. Il s'oppose à la fois à l'interprétation d'Avicenne et à la critique d'al-Ghazali. Il considère la théologie comme inutile au philosophe pour qui la vraie science doit être démonstrative et rejette autant l'Islam que le christianisme. Les commentaires d'Averroès, traduits en latin au début du XIIIe siècle, seront vite condamnés par les autorités religieuses, comme d'ailleurs ceux d'Avicenne.

Mais, après le travail d'Albert le Grand, qui reconstruit une synthèse des sciences et de la philosophie à partir d'Aristote et d'Averroès, les références au philosophe grec et à son commentateur arabe seront constantes dans l'Occident latin.


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