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La superficie d'un grand domaine, d'une
villa comme on disait alors, pouvait être très variable :
de quelques centaines à plusieurs milliers d'hectares. Ainsi, une
villa située au sud-est de Bruxelles s'étendait sur environ
18 600 hectares ; ce quadrilatère de 2 à
5 kilomètres de côté sur 25 kilomètres
de long formait sans doute la plus grande villa dont on ait gardé
le souvenir.
Le fait remarquable est que chaque villa comprenait deux parties
distinctes, mais complémentaires. D'une part, il y avait la "réserve",
c'est-à-dire les terres dont les revenus étaient réservés
au propriétaire et qui se composaient non seulement de champs cultivés,
mais aussi de vignes, de bois, de pacages, parfois d'étangs et
de marécages. D'autre part existait un ensemble d'exploitations
de taille relativement modeste occupées par des tenanciers, c'est-à-dire
par des paysans libres et non libres, plus ou moins dépendants
du propriétaire.
Les champs et les vignes de la réserve étaient cultivés
partiellement par une main-d'uvre servile, qui recevait du maître
le gîte et le couvert. Mais l'essentiel du travail était
accompli par les tenanciers qui devaient, pour la plupart, trois jours
par semaine de travail sur la réserve : c'étaient les
célèbres "corvées". Les tenanciers participaient
ainsi aux labours, aux semailles et, bien entendu, à la moisson,
qui constituait la plus lourde des tâches du paysan ; en outre,
ces tenanciers devaient faire les clôtures dont on entourait les
champs pour empêcher le bétail d'y pénétrer ;
ils devaient aussi s'occuper du transport des récoltes, du vin,
du bois, etc.
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D'autres charges encore pesaient sur les tenanciers, à
savoir des redevances le plus souvent en nature : blé, lin,
vin, poulets, ufs. Ces revenus constituaient à la fois le
loyer pour l'occupation de la tenure, et le prix des droits de jouissance
accordés aux tenanciers dans les bois, landes et friches diverses
de la réserve : les tenanciers pouvaient ainsi envoyer leurs
porcs à la glandée dans le bois, et se procurer du bois
de chauffage. |
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Le système du grand domaine tel qu'il vient d'être
esquissé s'est développé essentiellement entre Loire
et Rhin, c'est-à-dire dans l'espace non seulement conquis, mais
encore vraiment occupé par les Francs : c'est là que
se sont installés de préférence les rois et les aristocrates
mérovingiens et carolingiens, tant laïques qu'ecclésiastiques.
Ailleurs, au sud de la Loire, les grandes propriétés étaient
ou bien cultivées en faire-valoir direct par une main-d'uvre
servile, ou bien fragmentées en petites unités d'exploitation
mises en valeur par des paysans libres, qui devaient certes un loyer au
propriétaire, mais qui n'étaient astreints à aucune
corvée.
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