Le portrait dans l'art pictural

L'émergence de la représentation du visage dans l'art préhistorique

La représentation de la face humaine n’est pas totalement absente des vestiges de l’art préhistorique. La grotte d’Altamira (Espagne) laisse apparaître un relief transformé en visage ou en masque. Deux yeux surmontés d’une arcade sourcilière, et une bouche : la face réduite aux signes utiles à sa reconnaissance, un pictogramme. L’absence de représentation picturale de l’humain ne signifie pas pour autant l’absence d’une conscience du visage. Ici le besoin de représentation est autre : la capacité de manifester ordre et sens s'exerce sur le monde. La découverte, sur le site de Jéricho, de crânes surmodelés vers 8 000 av. J.-C. témoigne d'une évolution dans la perception de soi-même. Chaque tête possède un caractère individuel fortement marqué, bien que la méthode de modelage soit la même pour tous. Etaient-ce des portraits ?
 Questions de représentation, par Anne Biroleau

La naissance du portrait monétaire dans le monde grec

Les premières pièces de monnaies, apparues à la fin du VIIe siècle avant J.-C. en Asie mineure, ne comportaient d’image sur aucune des deux faces. Puis sur l’une des faces (le droit) des pièces apparut une figure ou type représentant un animal entier ou son avant-train. Le visage humain, représentation de dieux ou de déesses, n’était qu’une possibilité parmi d’autres. En Occident (Grèce, Italie, Sicile), la plupart des cités étaient organisées en démocraties et sur les monnaies émises par ces cités figurait souvent, sous une forme idéalisée, la divinité tutélaire ou fondatrice. C’est à la croisée de l’Orient et de l’Occident que se situe l’apparition du portrait sur les monnaies dans le monde grec, à la fin du Ve siècle avant J.-C.
 La naissance du portrait monétaire dans le monde grec, par Dominique Gerin

De quand date l’art du portrait ?

Le portrait est un genre très ancien. L'Égypte en donne une des interprétations les plus élevées aux IIe et IIIe siècles après J.-C., avec les peintures trouvées dans l’oasis du Fayoum. Par ailleurs, la civilisation romaine sculpte ou peint des portraits dont certains produisent une très forte impression de réalité. Ces œuvres jouent un rôle important dans la vie sociale ; les effigies entretiennent le culte des ancêtres et rendent hommage aux hommes politiques. Ensuite le genre connaît des destins variés mais il ne disparaît jamais. La représentation humaine est profondément enracinée dans la culture occidentale. Dès la fin du Moyen Âge, puis à la Renaissance, elle prend une place majeure, en concordance avec l’intérêt porté à la personne humaine et à l’individu singulier. L’ancien français a forgé le terme de portrait à partir de pour (préfixe à valeur intensive) et de traire dans le sens de dessiner.
 Les origines de l’art du portrait, par Philippe Arbaïzar

Jean Fouquet (1420 - 1481) : Un nouvel art du visage

Le nouvel art du visage inventé par Fouquet correspond à une véritable révolution : il libère le portrait de la représentation conventionnelle et standardisée de personnages proposés à la dévotion (les saints, le Christ, la Vierge) et cherche, à travers la peinture plus réaliste des traits, à saisir quelque chose de l'identité singulière de chaque être. Il s'inscrit ainsi dans les attentes de ses commanditaires, ces "hommes nouveaux" qui apparaissent au XVe siècle, dignitaires de la cour ou prélats de haut rang, mais aussi grands bourgeois enrichis dans le commerce, qui se montrent sensibles à une esthétique de la figure humaine qui sache rendre compte de la réalité.
 Les portraits dans l'œuvre de Jean Fouquet

Le premier autoportrait de peintre isolé

L'idée d'une effigie quasiment de face, cadrée dans un médaillon circulaire et parfois accompagnée de son nom en orle, remonte à l'Antiquité. L'usage s'en est maintenu aussi bien en Italie qu'en France dans des domaines très variés tout au long du Moyen Âge, par exemple sur les bordures de panneaux et de fresques, peut-être même aussi dans la glyptique et l'orfèvrerie, mais les exemples de portrait à proprement parler y sont rares. La plaque du Louvre semble bien être en tout cas le premier autoportrait de peintre isolé, et non plus intégré à une scène, qui soit conservé. Fouquet aurait développé l'idée de se portraiturer en marge d'un de ses tableaux en Italie, au contact d'artistes nourris de culture humaniste, prompts à revendiquer pour leur discipline le statut d'art libéral.
 L'autoportrait de Jean Fouquet (vers 1451)

Le goût pour le portrait individuel en Europe

Le goût pour le portrait individuel s'est manifesté dès le milieu du XIVe siècle en Europe. Le dessin aux crayons, spécificité française, est très apprécié par la cour. L'innovateur de cette formule fut Jean Clouet, venu de Bruxelles, bientôt supplanté par son fils François, comme peintre de François Ier. La composition de ces dessins, de la plus grande simplicité, est d'un modernisme étonnant : un visage où l'expression est privilégiée est encadré par quelques éléments décoratifs, une coiffe ou une coiffure très élaborée agrémentée d'une collerette ; un buste à peine esquissé, quelques traits pour évoquer un vêtement ou un bijou complètent le portrait. La présence altière et réservée des personnages fascine le spectateur.
 Jean et François Clouet : portraits de la cour de France

François Ier, pouvoir et image

Au début du XVIe siècle, quelques monarques européens commencent à se préoccuper de leur « image », au sens littéral de « portrait » mais aussi au sens plus large de « représentation publique ». Henri VIII, François Ier et Charles Quint avaient des buts globalement semblables, et ceux qui ont façonné leurs images ont puisé dans un réservoir iconographique et conceptuel commun. L'élaboration de l'image royale ne sera cependant, pour aucun des trois, jamais aussi centralisée qu'à l'époque de Louis XIV. Comme celle de leurs prédécesseurs (Henri VII, Louis XII et l'empereur Maximilien), elle reste une construction collective, résultat d'initiatives plus ou moins indépendantes d'individus très divers : ministres, écrivains, imprimeurs...
 Images de trois rois : François Ier entre Charles Quint et Henri VIII, par Peter Burke
 Image à explorer : Allégorie de François Ier en divinités antiques

La pratique artistique du portrait

Le portrait est d'abord l'art du peintre. Nombreux sont ceux qui s'expriment sur leur pratique. Léonard de Vinci (1452-1519) énonce quelques préceptes utiles à l’artiste. William Hogarth (1697-1764) et Sir Joshua Reynolds (1723-1792), tous deux peintres et théoriciens de leur art, mettent en garde contre certains risques, tandis que Eugène Delacroix (1798-1863) précise les relations au modèle. Ces textes retracent une part du fondement intellectuel sur lequel se développe la pratique artistique du portrait. Le peintre contemporain, Jean Hélion (1904-1987), analyse la démarche de l’artiste au travail et les rapports qu'il entretient avec le modèle. Revient ainsi une interrogation, déjà présente chez Léonard : le peintre ne se peindrait-il pas lui-même ? C'est en ce sens que Jean-Marie Pontévia, philosophe, s'intéresse aux œuvres de Diego Vélasquez et de Nicolas Poussin.
 L'artiste est-il le modèle ?
 Rembrandt : Autoportraits et portraits de famille

L'art du portrait dans la la peinture moghole

L'histoire du portrait en Inde est intimement liée à l'évolution de la peinture moghole. Lorsque l'empereur Akbar (1556-1605), qui montrait dès l'enfance un goût prononcé pour la peinture, constitua un atelier impérial, il en confia la direction à deux maîtres persans, Mir Sayyid ’Ali et Abd us-Samad.D'abord séduit par l'imaginaire et le fantastique, son intérêt se porte ensuite sur l'histoire. Ce goût de l'histoire réveille chez l'empereur une curiosité aiguë pour les personnages historiques et le conduit tout naturellement à favoriser l'art du portrait comme moyen privilégié d'appréhender la personnalité d'un individu.
 Portraits des Princes, images de la Cour, par Amina Okada
 

Petite anthologie : L'art du portrait en littérature

L'art du portrait n'est pas réservé aux peintres et aux photographes ; il est aussi un art littéraire. Il devient à la mode en littérature au XVIIe siècle, sous l'influence de la société précieuse. Mais c'est surtout dans les romans du XIXe siècle que le genre du portrait devient incontournable. Il va servir à définir les personnages selon trois critères fondamentaux, abondamment croisés.
 Petite histoire du portrait littéraire
 Anthologie
haut de page