Une approche historique
Le héros est l’objet d’une construction, le produit d’un discours, d’une "héroïsation", qui révèle, à travers des actes exceptionnels, les valeurs d’une civilisation. Dans des sociétés anciennes où la guerre était un état fréquent, voire normal, le héros guerrier incarnait l’excellence. La christianisation de la société l’obligea à composer avec des figures proches (le sage, le saint) avant que l’humanisme, au XVI
e, la raison et le roi, au XVII
e, les Lumières, au XVIII
e, n’aient raison de sa morale, de sa caste et de ses violences en l’enfermant dans la littérature et en lui préférant le grand homme. Les bouleversements politiques engendrés par la Révolution, la création de la nation réhabilitent les actes du héros parce qu’ils sont exemplaires. En France, celui-ci contribue à fonder la patrie et l’enjeu majeur devient la place qu’on lui réserve dans la mémoire nationale. La violence de masse de la Première Guerre mondiale le transforme en victime, mais la concurrence idéologique qui règne dans l’entre-deux-guerres réactive l’instrumentalisation des héros. La figure du résistant est devenue en France la dernière incarnation du héros national. Ses recompositions actuelles, sous la forme du sportif notamment, témoignent de la "starification" d’un personnage soumis par les nouveaux vecteurs d’héroïsation à une usure rapide. Le déclin des héros politiques (mineurs, figures messianiques) au profit des héros fictifs (personnages de cinéma, de bande dessinée, de la télévision) ne doit pas masquer la permanence du "désir d’être Dieu". Si nous pouvons nous réjouir, en France, de la disparition de héros historiques, signe de l’éloignement relatif des guerres et des dictatures, nous rêvons toujours de figures de l’excellence qui tentent de concilier héroïsme et humanisme et qui distingueraient un modèle d’une image.
C'est en privilégiant ainsi l’approche historique que le dossier s'interroge sur la fabrique héroïque en Occident, de l’époque des élites aristocratiques à son éclatement dans l’univers mondialisé contemporain, en passant par l’émergence de la nation. Vases antiques, manuscrits, chansons de geste, estampes, manuels scolaires, bons points, affiches, photographies, tableaux, journaux, cédéroms… illustrent la marche chronologique des héros, les exploits qui signent leur "épiphanie héroïque", mais aussi les éclipses, les avatars et les mutations.
Héros, d'Achille à Zidane : présentation audiovisuelle