Louis-François Cassas, (1756-1827), illustrateur ; Jacques-Louis Bance (1761-1847), graveur, Paris, Ed. des frères Piranèse, 1801.
Gravure à l'eau-forte aquarellée avec reprise de plume et rehauts de gouache (71 x 97 cm)
« Je vais bientôt quitter Rome, et j’espère y revenir. Je l’aime de nouveau passionnément, cette Rome si triste et si belle : j’aurai un panorama au Capitole où le ministre de Prusse me cèdera le petit palais Cafarelli ; à Saint-Onuphre je me suis ménagé une autre retraite. En attendant mon départ et mon retour, je ne cesse d’errer dans la campagne ; il n’y a pas de petit chemin que je ne connaisse mieux que les sentiers de Combourg. Du haut du mont Marius et des collines environnantes, je découvre l’horizon de la mer vers Ostie ; je me repose sous les légers et croulants portiques de la villa Madama. Dans ces architectures changées en fermes je ne trouve souvent qu’une jeune fille sauvage, effarouchée et grimpante comme ses chèvres. Quand je sors par la
Porta Pia, je vais au pont
Lamentano sur le Teverone ; j’admire en passant à Sainte Agnès une tête de Christ par Michel-Ange, qui garde le couvent presqu’abandonné. Les chefs d’œuvre des grands maîtres ainsi semés dans le désert remplissent l’âme d’une mélancolie profonde. Je me désole qu’on ait réuni les tableaux de Rome dans un musée ; j’aurais bien plus de plaisir par les pentes du Janicule, sous la chute de
l’Aqua Paola, au travers de la rue solitaire
delle Fornaci, à chercher
La Transfiguration dans le monastère des Récollets de saint-Pierre
in Montorio. Lorsque l’on regarde la place qu’occupait, sur le maître-autel de l’église, l’ornement des funérailles de Raphael, on a le cœur saisi et attristé.
Au-delà du pont
Lamentano, des pâturages jaunis s’étendent à gauche jusqu’au Tibre ; la rivière qui baignait les jardins d’Horace y coule inconnue. En suivant la grande route vous trouverez le pavé de l’ancienne voie Tiburtine. J’y ai vu cette année arriver la première hirondelle. »
François-René de Chateaubriand,
Mémoires d’outre-tombe, 1848
> Texte intégral sur Gallica : Paris, Garnier frères, 1904