La combinaison d'avantages qui en résulte confère au gélatino-bromure d'argent des atouts inédits. Jusqu’alors, dans la pratique photographique,
facilité et rapidité (selon la terminologie employée par Davanne) se trouvaient séparées : on bénéficiait soit de la grande sensibilité du collodion, soit de la simplicité de manipulation des divers supports secs. L'association nouvelle d'une mise en place plus rapide du dispositif photographique et de la réduction du temps de pose représente une modification importante des repères de l'activité photographique ‒ qui se traduira notamment par l'apparition d’une nouvelle génération d'appareils portatifs. Mais au-delà de l'agrément technique, cette combinaison révèle un ensemble de potentialités liées à l'état sec, que les textes de l'époque se gardent de mettre en avant ‒ préférant insister sur le gain de sensibilité du gélatino-bromure. Et pourtant : en permettant de dissocier dans le temps la préparation, l'exposition puis le développement de la plaque sensible, le support sec introduit une césure dans un continuum d'opérations jusque-là assurées par les soins du seul photographe. Comme la division du travail chez Marx, il ouvre la pratique photographique à un ensemble de mutations qui s'enchaînent en cascade : l'autonomisation de la préparation des surfaces sensibles permet sa prise en charge par l'industrie, ce qui entraîne à la fois une déspécialisation de l'activité du photographe, libéré de délicates manipulations chimiques (d'où l'ouverture de cette activité à une frange plus large d'amateurs), et la possibilité de régulariser une sensibilité encore très aléatoire (qui autorise à son tour une mesure précise de l'exposition). Une condition était nécessaire pour actualiser cet ensemble de potentialités : il fallait pouvoir tabler sur un
standard, un médium largement employé ‒ c'est cela qu'apporte le gélatino-bromure d'argent via la réduction du temps de pose.