L'artisanat et les corporations

   

L’artisanat urbain se distingue de l’artisanat rural par une extrême division des tâches.

  L'exemple du textile
 

Pour prendre l’exemple du textile, une famille paysanne est capable d’assurer à elle seule toutes les opérations nécessaires à la confection d’une toile ou d’un drap grossiers, tandis qu’en ville chaque opération différente correspond à un métier, avec sa propre organisation et ses règles de vie. De plus, l’apprêtage du tissu est bien plus élaboré en ville. Entre l’arrivée de la laine brute et la présentation d’un drap prêt pour la vente, des opérations mécaniques, manuelles et chimiques sont nécessaires : le triage de la laine, le battage, le dégraissage, le peignage ou le cardage, le filage et le dévidage. Vient ensuite le tissage sur des métiers sans cesse perfectionnés. Les dernières opérations sont le foulage, la teinture et les ultimes apprêts du drap. Ces dernières activités très polluantes sont rejetées loin du centre-ville, près des cours d’eau. Les teinturiers ont en permanence les mains en contact de produits corrosifs, d’où leur surnom péjoratif d’"ongles bleus”. À partir du XIVe siècle, les drapiers des villes organisent une industrie drapière de qualité dans les campagnes à proximité des centres urbains.
Les métiers de l’alimentation sont également très dynamiques dans les villes ; de la même manière, une hiérarchie existe entre chaque catégorie, selon des critères de spécialisation mais aussi de pureté et d’impureté : les bouchers qui font couler le sang sont tenus à l’écart. Toutes ces activités artisanales et commerciales sont peu à peu organisées au sein des corporations.

 
  Les métiers jurés
   

Le terme de corporation a été inventé au XVIIIe siècle. Au Moyen Âge, l’on parle d’art, de guilde, de hanse ou de métier, pour désigner des groupements de droit quasi public qui soumettent leurs membres à une discipline collective dans l’exercice de leur profession. Ces groupements accèdent rapidement à la personnalité juridique. Leurs statuts, approuvés et garantis par la commune et/ou le souverain, leur confèrent le monopole dans leur secteur d’activité (tout travail “libre” est dès lors interdit), les chargent de réglementer la profession et leur attribuent une police. Les membres du “métier juré” font le serment de respecter ses statuts et de s’assister mutuellement. Ce type de groupement est très diffusé dans la France du Nord.

 

Les métiers réglés


 

Dans le Sud, les métiers reçoivent leurs statuts de la commune, et ce sont les gardes consulaires qui assurent la police de la profession, notamment en Languedoc. Ces “métiers réglés” sont donc soumis aux ordonnances municipales. Des confréries professionnelles viennent peu à peu doubler les métiers et assurer l’encadrement religieux des artisans réunis sous la bannière d’un saint patron (saint Éloi pour les orfèvres, par exemple). La hiérarchie interne des métiers repose sur la domination des maîtres sur les compagnons et les apprentis. L’accès à la maîtrise tend à se fermer à la fin du Moyen Âge et à se transmettre au sein des mêmes familles. La vocation de la corporation consiste à défendre les intérêts du groupe, lutter contre la concurrence et organiser l’entraide sociale (secours-maladie et secours-vieillesse). À partir de la seconde moitié du XIIIe siècle, les métiers participent au gouvernement des villes, ce qui n’empêche pas le développement de tensions entre métiers majeurs et métiers mineurs et à l’intérieur de ceux-ci, entre maîtres, compagnons et apprentis. Des caisses d’entraide propres aux compagnons voient le jour à la fin du Moyen Âge.

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