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 |  | Balzac, Le
    Lys dans la vallée  Mes yeux furent tout à coup frappés par de
    blanches épaules rebondies sur lesquelles jaurais voulu pouvoir me rouler, des
    épaules légèrement rosées qui semblaient rougir comme si elles se trouvaient nues pour
    la première fois, de pudiques épaules qui avaient une âme, et dont la peau satinée
    éclairait à la lumière comme un tissu de soie. Ces épaules étaient partagées par une
    raie, le long de laquelle coula mon regard, plus hardi que ma main. Je me haussai tout
    palpitant pour voir le corsage et fus complètement fasciné par une gorge chastement
    couverte dune gaze, mais dont les globes azurés et dune rondeur parfaite
    étaient douillettement couchés dans des flots de dentelle. Les plus légers détails de
    cette tête furent des amorces qui réveillèrent en moi des jouissances infinies :
    le brillant des cheveux lissés au-dessus dun cou velouté comme celui dune
    petite fille, les lignes blanches que le peigne y avait dessinées et où mon imagination
    courut comme en de frais sentiers, tout me fit perdre lesprit. Après mêtre
    assuré que personne ne me voyait, je me plongeai dans ce dos comme un enfant qui se jette
    dans le sein de sa mère, et je baisai toutes ces épaules en y roulant ma tête. Cette
    femme poussa un cri perçant, que la musique empêcha dentendre ; elle se
    retourna, me vit et me dit : " Monsieur ? " Ah ! si
    elle avait dit : " Mon petit bonhomme, quest-ce qui vous prend
    donc ? " je laurais tuée peut-être ; mais à ce monsieur !
    des larmes chaudes jaillirent de mes yeux. Je fus pétrifié par un regard animé
    dune sainte colère, par une tête sublime couronnée dun diadème de cheveux
    cendrés, en harmonie avec ce dos damour. Le pourpre de la pudeur offensée
    étincela sur son visage que désarmait déjà le pardon de la femme qui comprend une
    frénésie quand elle en est le principe, et devine des adorations infinies dans les
    larmes du repentir. Elle sen alla par un mouvement de reine. Je sentis alors le
    ridicule de ma position : alors seulement je compris que jétais fagoté comme
    le singe dun Savoyard. Jeus honte de moi. | |
| Le lys dans
    la vallée,1835. | ||||
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| |L'héroïne de roman| |