|
Villiers
de l'Isle Adam, Contes cruels La croisée, sous les vastes draperies de
cachemire mauve broché dor, était ouverte : un dernier rayon du soir
illuminait, dans un cadre de bois ancien, le grand portrait de la trépassée. Le comte
regarda, autour de lui, la robe jetée, la veille, sur un fauteuil ; sur la
cheminée, les bijoux, le collier de perles, léventail à demi fermé, les lourds
flacons de parfums quElle ne respirait plus. Sur le lit débène aux
colonnes tordues, resté défait, auprès de loreiller où la place de la tête
adorée et divine était visible encore au milieu des dentelles, il aperçut le mouchoir
rougi de gouttes de sang où sa jeune âme avait battu de laile un instant ; le
piano ouvert, supportant une mélodie inachevée à jamais, les fleurs indiennes cueillies
par elle, dans la serre, et qui se mouraient dans de vieux vases de Saxe ; et, au
pied du lit, sur une fourrure noire, les petites mules de velours oriental, sur lesquelles
une devise rieuse de Véra brillait, brodée en perles : Qui verra Véra laimera.
Les pieds nus de la bien-aimée y jouaient hier matin, baisés à chaque pas, par le duvet
des cygnes ! Et là, là, dans lombre, la pendule, dont il avait brisé
le ressort pour quelle ne sonnât plus dautres heures. |
|||
Contes
cruels,1874. |
||||
|
||||
|L'héroïne de roman| |