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Tous les savoirs du monde :
L'Occident chrétien

[Les dossiers pédagogiques]

1. Enseignement médiéval
2. Modèles des "Miroirs"
3. Premier traité de science politique
4. Méthodes d'apprentissage
5. Premières Bibliothèques Royales
6. Compilation encyclopédique

[Sommaire du Dossier TSM]

4. Méthodes d'apprentissage : une pédagogie fondée sur la Parole et l'Image

Les apprentissages du savoir au Moyen Âge reposent essentiellement sur la mémoire. La mémoire ressemble à un palais dont les deux portes sont la vue et l'ouïe. Deux chemins y conduisent : l'image et la parole.

La Parole :

  • La pédagogie universitaire s'appuie sur un enseignement oral avec des lectures expliquées et des discussions argumentées. Les marges surchargées de gloses des manuscrits universitaires rendent bien compte de ce foisonnement de la parole.
  • Quant à l'enseignement élémentaire il est destiné durant tout le Moyen Âge, à apprendre d'abord à lire ( et à lire d'abord en latin ! ). Charlemagne parle parfaitement le latin, mais il ne sait pas vraiment bien écrire ( bien qu'il s'y exerce au long de ses nuits d'insomnie ).
  • Enfin, la prédication est un instrument privilégié de la transmission du savoir. Elle utilise largement les pouvoirs persuasifs et aussi les ressources mnémotechniques de l'image.

L'image :

C'est sans doute Hugues de Saint Victor au XIIe siècle, qui développe avec le plus d'éloquence les potentialités pédagogiques offertes par l'image. Il propose ainsi trois «instruments» :

  • La liste : s'inspirant des techniques de l'ars memoriae telles qu'il a pu les trouver chez Cicéron ou Quintilien, Hugues de saint Victor structure la page de son Chronicon comme la façade d'un temple ponctuée de colonnes distribuant les données historiques selon les temps, les lieux et les personnes. Les éléments y sont rangés de façon qu'on puisse facilement se les rappeler en fonction de leur emplacement et en s'aidant de la couleur particulière qui caractérise chaque série.
  • La mappemonde :  véritable «résumé de la terre» : dans sa Descriptio mappe mundi, Hugues de saint Victor explore les ressources expressives de la carte (toponymes, formes des continents, couleurs. ) invitant à parcourir le monde par l'esprit «en s'évitant les fatigues du voyage».
  • Le diagramme de l'Arche de Noé : dessine l'univers étendu autour de l'Arche, avec son firmament, sa terre et les toponymes qui la recouvrent, et, à l'intérieur de l'Arche ( ici figure de l'Église et de l'âme ), la totalité des espaces et des temps récapitulés dans une Histoire Sainte. L'image permet d'acheminer l'esprit humain du Visible à l'Invisible, de l'arche à l'Église, de l'Église à la vision de la Sagesse.


Liber Floridus, Lambert de Saint-Omer
Paris, BnF

"C'est une noble tâche que de copier des livres sacrés, et le scribe ne manquera pas sa récompense. Il est préférable d'écrire des livres que de planter des vignes ; celui-là entretient son ventre, celui-ci son âme.»"

Alcuin, Carmina, édition E. Dümmler, 1881

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Les représentations allégoriques des arts libéraux : des vierges sages

Les 7 disciplines des arts libéraux sont au Moyen Âge l'objet d'innombrables représentations allégoriques. Ainsi au tympan du Portail royal de la cathédrale de Chartres on voit la Sagesse siégeant au milieu des personnifications du Trivium et du Quadrivium et de leurs représentants dans l'enseignement des arts et des sciences : Donat, Cicéron, Aristote, Boèce, Euclide, Pythagore, Ptolémée. Assimilés aux sept piliers de la demeure de la Sagesse, ou à sept ruisseaux irrigués par la Fontaine de la Sagesse, ils sont aussi souvent représentés sous forme de vierges hiératiques dotées chacune d'attributs spécifiques.

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Des bestiaires pour édifier le chrétien    

Le terme fait son apparition au début du XIIe siècle et désigne des ouvrages en vers ou en prose utilisant la description de certains animaux réels ou légendaires, en vue d'un enseignement moral et religieux. Il s'agit à la fois de manuels sommaires d'histoire naturelle et d'abrégés de doctrine chrétienne illustrée.

Les bestiaires dépeignent un monde manichéen déchiré entre le Bien et le Mal, entre le Dieu et le Diable. La description des animaux n'y intègre aucun souci réaliste, elle se conforme essentiellement à une tradition et obéit à une structure constante, où l'énoncé de la « nature » de l'animal permet de dégager une signification religieuse et morale proposée à l'édification. (telle cette licorne du Bestiaire d'Amours et de Responses de Richard de Fournival).

Ainsi les bestiaires constituent-ils « un arsenal de métaphores énonçant les natures de Dieu et un support mnémotechnique rappelant les figures possibles du Mal ».

(Gabriel Bianciotto, Bestiaires du Moyen Âge).

 

Un ouvrage sur la nature destiné à la prédication

Le Livre des propriétés des choses (De proprietatibus rerum), ouvrage du franciscain anglais Barthélémy, écrit en latin entre 1230 et 1240, entend faire connaître « les natures et les propriétés des choses répandues dans les oeuvres des saints et aussi des philosophes ».

Il s’agit d’une véritable encyclopédie, qui dresse le bilan des connaissances dans tous les domaines, sous une forme ordonnée et simplificatrice. Loin des discussions érudites d’ordre philosophique ou scientifique, l’auteur fait oeuvre de vulgarisation. Le but de Barthélémy est de permettre au lecteur d’accéder au savoir suprême : celui de la théologie.

Ce type d’ouvrage est destiné à la prédication : il fournit au prédicateur un arsenal d’images et de paroles, de métaphores propres à frapper l’imagination du chrétien. Copié et recopié, le De proprietatibus rerum connut une grande faveur auprès d’un public de simples lettrés curieux de culture (deux cents manuscrits latins aujourd’hui conservés). Les étudiants pouvaient en consulter un exemplaire à la bibliothèque du collège de Sorbonne. Soucieux de mettre en oeuvre une vaste entreprise de traduction de textes latins, Charles V en commanda à Jean Corbechon en 1372, une version française qui en augmenta encore le succès.

Traduit également en langue d’oc, espagnol, italien, flamand, le De proprietatibus rerum bénéficia d’une diffusion qui se développa encore avec l’imprimerie (seize éditions en latin, vingt-quatre en français, trois en anglais, deux en espagnol, une en flamand).


Le Livre des propriétés des choses
Barthélémy l'Anglais
Traduction française par Jean Corbechon, 1372
BnF

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