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Tous les savoirs du monde :
De l'humanisme au siècle des Lumières

[Les dossiers pédagogiques]

1. Le mouvement humaniste
2. Les grandes découvertes
3. De nouveaux systèmes de classement
4. Fondation des académies

[Sommaire du Cahier TSM]

3. Nouveaux systèmes de classement, le rôle des bibliothèques

Au Moyen Âge, les livres sont dans les monastères ou dans quelques rares bibliothèques princières. Il y en a peu dans les universités, où ils sont enchaînés à leur étagère ou à une barre horizontale au-dessus du pupitre de consultation. Un catalogue de 1286 de l’Université de Paris propose cent trente-huit titres. Au milieu du XIVe siècle, la bibliothèque de la Sorbonne compte près de deux mille volumes. Au XVe siècle, en Italie, la transcription de manuscrits est devenue une industrie qui emploie des équipes de scribes.

 

Naissance de l'imprimerie : une révolution tranquille

Avec l’imprimerie, le nombre des livres va augmenter dans des proportions considérables. La productivité s’accroît de plus en plus vite : en 1575, on peut dans une journée tirer 1300 à 1500 feuilles d’une même page composée. C’est une révolution, mais une révolution tranquille.

  • Pendant les cinquante premières années (jusqu’en 1500), les livres imprimés (incunables) ressemblent beaucoup aux manuscrits, dont ils ont gardé la mise en page. Ils véhiculent d’abord des textes religieux, des bibles, des missels, des bréviaires, les programmes universitaires, puis des récits de voyages.
  • Mais assez vite l’imprimé devient un instrument de propagande des idées nouvelles (Luther saura l’utiliser pour répandre ses idées), et les imprimeurs vont être étroitement surveillés par l’Église et le pouvoir royal.
  • Ainsi, à partir de 1534 (à la suite de « l’affaire des placards »), c’est à la faculté de théologie de décider si un livre peut être imprimé ; tout livre doit porter la date, les noms de l’auteur et de l’imprimeur et être muni d’un privilège royal (sorte d’autorisation de paraître).

 

Des instruments pour un "nouveau savoir"


Pour cheminer à travers cette forêt de documents, les érudits élaborent des instruments.

Conrad Gesner réalise la première véritable bibliographie (publiée en 1545-1548), qui répertorie seize mille titres par ordre alphabétique des auteurs ; il y ajoute un classement des notices par ordre logique des matières.

Conrad Gesner, Bibliotheca universalis
1545
Paris, Bibl. de l'Institut

Théodor Zwinger propose une immense compilation de citations (vingt-neuf tomes) en adoptant la technique méthodique du recueil de lieux communs* (1586).

* "La technique des lieux communs range dans des topiques et des rubriques
hiérarchiquement oragnisées les propositions, les exemples et les sentences extraits
des textes lus, permettant ainsi leur immédiat réemploi dans la composition des discours"

Roger Chartier - Catalogue de l'exposition Tous les savoirs du monde.

Mais c’est un Anglais, Thomas James, qui réalise le premier catalogue général imprimé d’une bibliothèque publique, en rédigeant celui de la bibliothèque de Thomas Bodley à Oxford. Les titres sont répartis méthodiquement, selon l’ordre des quatre facultés universitaires (arts, droit, médecine, théologie). Le second catalogue est entièrement alphabétique.

Gabriel Naudé, bibliothécaire de Mazarin, conçoit lui aussi une « bibliothèque dressée pour l’usage du public » et il entend qu’elle soit « universelle », contenant « tous les principaux auteurs qui ont écrit sur la grande diversité des sujets particuliers, et principalement sur tous les arts et les sciences » (Advis, 1627). Il prescrit l’ordre « naturel » pour dresser des catalogues : l’un suivant l’ordre alphabétique des auteurs, l’autre l’ordre logique des matières. Pour lui, la bibliothèque doit être un lieu de découvertes et un instrument d’invention.

Pour voyager dans le monde du savoir, Georg Morhof, professeur et bibliothécaire à l’Université de Kiel, propose son Polyhistor (1688), somme parfaitement ordonnée, commençant par traiter des méthodes d’apprentissage à acquérir avant d’accéder aux savoirs spécialisés. Ceux-ci sont présentés par matières et chaque chapitre indique, en ordre chronologique, les publications les plus importantes sur le sujet, en assortissant chacune d’elle d’un commentaire critique. Cet ouvrage veut être pour l’ensemble du savoir l’équivalent d’un catalogue de bibliothèque, un « instrument des arts, la resserre des sciences, la fabrique de toute littérature ».

À la fin du XVIIe siècle, Pierre Bayle, frappé par « la multitude effroyable des livres » et par la masse d’erreurs qu’ils renferment, se donne pour missions la chasse à l’erreur et la réalisation d’une oeuvre ouverte, choisissant l’ordre alphabétique, qui évite toute hiérarchie et privilégie la description des objets (Dictionnaire historique et critique).


Dictionnaire historique et critique,
Pierre Bayle, Rotterdam, 1697
Paris, BnF


Dissertatio de arte combinatoria, Leibniz
Francfort 1690
Paris, BnF

Leibniz rêve, lui aussi, d’une bibliothèque idéale et écrit un certain nombre de textes théoriques, consacrés notamment à des questions de classification. Il aspire à dresser un inventaire général des connaissances, tout en opérant un tri dans l’ensemble de la production imprimée. Bibliothécaire à Wolfenbüttel, il rattache son projet encyclopédique à une certaine idée de bibliothèque, ronde, permettant d’embrasser d’un seul coup d’ oeil l’étendue du savoir :

« J’appelle bibliothèque universelle choisie celle qui contient une enyclopédie de toutes les facultés, sciences, disciplines, doctrines et oeuvres de l’esprit »
(Consilium de bibliotheca).

[Piste pédagogique]

Ses nombreux travaux, qui n’aboutiront pas, nourriront les projets encyclopédiques futurs et susciteront maintes utopies architecturales.

Il n’y a point d’art mécanique si petit et si méprisable qui ne puisse fournir quelques observations ou considérations remarquables, et toutes les professions ou vocations ont certaines adresses ingénues dont il n’est pas aisé de s’aviser et qui néanmoins peuvent servir à des conséquences bien plus relevées. [...] Il y a jusque dans les exercices des enfants ce qui pourrait arrêter le plus grand mathématicien ; apparemment, nous devons l’aiguille aimantée à leurs amusements, car qui se serait avisé d’aller regarder comme elle tourne.

Leibniz, Discours touchant la méthode de la certitude et l’art d’inventer.

 

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