Tous les savoirs du monde :
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1. Le mouvement humaniste 2. Les grandes découvertes 3. De nouveaux systèmes de classement 4. Fondation des académies |
3. Nouveaux systèmes de classement, le rôle des bibliothèques |
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Au Moyen Âge, les livres sont dans les monastères ou dans quelques rares bibliothèques princières. Il y en a peu dans les universités, où ils sont enchaînés à leur étagère ou à une barre horizontale au-dessus du pupitre de consultation. Un catalogue de 1286 de lUniversité de Paris propose cent trente-huit titres. Au milieu du XIVe siècle, la bibliothèque de la Sorbonne compte près de deux mille volumes. Au XVe siècle, en Italie, la transcription de manuscrits est devenue une industrie qui emploie des équipes de scribes.
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Pour cheminer à travers cette forêt de documents, les érudits élaborent des instruments. Conrad Gesner réalise la première véritable bibliographie (publiée en 1545-1548), qui répertorie seize mille titres par ordre alphabétique des auteurs ; il y ajoute un classement des notices par ordre logique des matières.
Conrad Gesner, Bibliotheca universalis |
Théodor Zwinger propose une immense compilation de citations (vingt-neuf tomes) en adoptant la technique méthodique du recueil de lieux communs* (1586).
* "La technique des lieux communs range dans des topiques
et des rubriques hiérarchiquement oragnisées les propositions, les exemples et les sentences extraits des textes lus, permettant ainsi leur immédiat réemploi dans la composition des discours" Roger Chartier - Catalogue de l'exposition Tous les savoirs du monde. |
Mais cest un Anglais, Thomas James, qui réalise le premier catalogue général imprimé dune bibliothèque publique, en rédigeant celui de la bibliothèque de Thomas Bodley à Oxford. Les titres sont répartis méthodiquement, selon lordre des quatre facultés universitaires (arts, droit, médecine, théologie). Le second catalogue est entièrement alphabétique.
Gabriel Naudé, bibliothécaire de Mazarin, conçoit lui aussi une « bibliothèque dressée pour lusage du public » et il entend quelle soit « universelle », contenant « tous les principaux auteurs qui ont écrit sur la grande diversité des sujets particuliers, et principalement sur tous les arts et les sciences » (Advis, 1627). Il prescrit lordre « naturel » pour dresser des catalogues : lun suivant lordre alphabétique des auteurs, lautre lordre logique des matières. Pour lui, la bibliothèque doit être un lieu de découvertes et un instrument dinvention.
Pour voyager dans le monde du savoir, Georg Morhof, professeur et bibliothécaire à lUniversité de Kiel, propose son Polyhistor (1688), somme parfaitement ordonnée, commençant par traiter des méthodes dapprentissage à acquérir avant daccéder aux savoirs spécialisés. Ceux-ci sont présentés par matières et chaque chapitre indique, en ordre chronologique, les publications les plus importantes sur le sujet, en assortissant chacune delle dun commentaire critique. Cet ouvrage veut être pour lensemble du savoir léquivalent dun catalogue de bibliothèque, un « instrument des arts, la resserre des sciences, la fabrique de toute littérature ».
À la fin du XVIIe siècle, Pierre Bayle, frappé par « la multitude effroyable des livres » et par la masse derreurs quils renferment, se donne pour missions la chasse à lerreur et la réalisation dune oeuvre ouverte, choisissant lordre alphabétique, qui évite toute hiérarchie et privilégie la description des objets (Dictionnaire historique et critique).
Dictionnaire historique et critique,
Pierre Bayle, Rotterdam, 1697
Paris, BnF
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Leibniz rêve, lui aussi, dune bibliothèque idéale et écrit un certain nombre de textes théoriques, consacrés notamment à des questions de classification. Il aspire à dresser un inventaire général des connaissances, tout en opérant un tri dans lensemble de la production imprimée. Bibliothécaire à Wolfenbüttel, il rattache son projet encyclopédique à une certaine idée de bibliothèque, ronde, permettant dembrasser dun seul coup d oeil létendue du savoir :
« Jappelle bibliothèque universelle choisie celle
qui contient une enyclopédie de toutes les facultés, sciences,
disciplines, doctrines et oeuvres de lesprit » |
Ses nombreux travaux, qui naboutiront pas, nourriront les projets encyclopédiques futurs et susciteront maintes utopies architecturales.
Il ny a point dart mécanique si petit et si méprisable qui ne puisse fournir quelques observations ou considérations remarquables, et toutes les professions ou vocations ont certaines adresses ingénues dont il nest pas aisé de saviser et qui néanmoins peuvent servir à des conséquences bien plus relevées. [...] Il y a jusque dans les exercices des enfants ce qui pourrait arrêter le plus grand mathématicien ; apparemment, nous devons laiguille aimantée à leurs amusements, car qui se serait avisé daller regarder comme elle tourne.
Leibniz, Discours touchant la méthode de la certitude et lart dinventer.
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