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4. Méthodes d'apprentissage : une pédagogie
fondée sur la Parole et l'Image
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Les apprentissages du
savoir au Moyen Âge reposent essentiellement sur la mémoire.
La mémoire ressemble à un palais dont les deux portes sont
la vue et l'ouïe. Deux chemins y conduisent : l'image et la parole.
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La Parole :
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La pédagogie universitaire s'appuie sur un enseignement oral
avec des lectures expliquées et des discussions argumentées.
Les marges surchargées de gloses des manuscrits universitaires rendent
bien compte de ce foisonnement de la parole.
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Quant à l'enseignement élémentaire il est
destiné durant tout le Moyen Âge, à apprendre d'abord
à lire ( et à lire d'abord en latin ! ). Charlemagne
parle parfaitement le latin, mais il ne sait pas vraiment bien écrire
( bien qu'il s'y exerce au long de ses nuits d'insomnie ).
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Enfin, la prédication est un instrument privilégié
de la transmission du savoir. Elle utilise largement les pouvoirs persuasifs
et aussi les ressources mnémotechniques de l'image.
L'image
:
C'est sans doute
Hugues de Saint Victor au
XIIe siècle, qui développe avec le plus d'éloquence
les potentialités pédagogiques offertes par l'image. Il propose
ainsi trois «instruments» :
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La liste : s'inspirant des techniques de l'ars memoriae telles
qu'il a pu les trouver chez Cicéron ou Quintilien,
Hugues de saint Victor structure la page de son
Chronicon comme la façade d'un temple ponctuée
de colonnes distribuant les données historiques selon les temps, les
lieux et les personnes. Les éléments y sont rangés de
façon qu'on puisse facilement se les rappeler en fonction de leur
emplacement et en s'aidant de la couleur particulière qui
caractérise chaque série.
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La mappemonde : véritable «résumé
de la terre» : dans sa Descriptio mappe mundi, Hugues
de saint Victor explore les ressources expressives de la carte (toponymes,
formes des continents, couleurs. ) invitant à parcourir le monde par
l'esprit «en s'évitant les fatigues du voyage».
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Le diagramme de l'Arche de Noé : dessine l'univers étendu
autour de l'Arche, avec son firmament, sa terre et les toponymes qui la
recouvrent, et, à l'intérieur de l'Arche ( ici figure de
l'Église et de l'âme ), la totalité des espaces et des
temps récapitulés dans une Histoire Sainte. L'image permet
d'acheminer l'esprit humain du Visible à l'Invisible, de l'arche à
l'Église, de l'Église à la vision de la Sagesse.
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Liber Floridus, Lambert
de Saint-Omer
Paris, BnF |
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"C'est une noble tâche que de copier des livres sacrés,
et le scribe ne manquera pas sa récompense. Il est préférable
d'écrire des livres que de planter des vignes ; celui-là entretient
son ventre, celui-ci son âme.»"
Alcuin, Carmina, édition E. Dümmler, 1881
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Les
représentations allégoriques des arts libéraux
: des vierges sages
Les 7 disciplines des arts libéraux sont
au Moyen Âge l'objet d'innombrables représentations
allégoriques. Ainsi au tympan du Portail royal de la cathédrale
de Chartres on voit la Sagesse siégeant au milieu des
personnifications du Trivium et du Quadrivium et de leurs
représentants dans l'enseignement des arts et des sciences :
Donat, Cicéron,
Aristote,
Boèce, Euclide, Pythagore,
Ptolémée.
Assimilés aux sept piliers de la demeure de la Sagesse, ou à
sept ruisseaux irrigués par la Fontaine de la Sagesse, ils sont aussi
souvent représentés sous forme de vierges hiératiques
dotées chacune d'attributs spécifiques. |
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Des
bestiaires pour édifier le chrétien
Le terme fait son apparition au début du
XIIe siècle et désigne des ouvrages en vers ou en prose
utilisant la description de certains animaux réels ou légendaires,
en vue d'un enseignement moral et religieux. Il s'agit à la fois de
manuels sommaires d'histoire naturelle et d'abrégés de doctrine
chrétienne illustrée.
Les bestiaires dépeignent un monde
manichéen déchiré entre le Bien et le Mal, entre le
Dieu et le Diable. La description des animaux n'y intègre aucun souci
réaliste, elle se conforme essentiellement à une tradition
et obéit à une structure constante, où l'énoncé
de la « nature » de l'animal permet de dégager une signification
religieuse et morale proposée à l'édification. (telle
cette licorne du Bestiaire d'Amours et de Responses de
Richard de Fournival).
Ainsi les bestiaires constituent-ils « un arsenal de métaphores
énonçant les natures de Dieu et un support mnémotechnique
rappelant les figures possibles du Mal ».
(Gabriel Bianciotto, Bestiaires du Moyen Âge).
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Un
ouvrage sur la nature destiné à la prédication
Le Livre des propriétés des
choses (De proprietatibus rerum), ouvrage du franciscain
anglais
Barthélémy,
écrit en latin entre 1230 et 1240, entend faire connaître « les natures et les propriétés des choses répandues
dans les oeuvres des saints et aussi des philosophes ».
Il sagit dune véritable
encyclopédie, qui dresse le bilan des connaissances dans tous
les domaines, sous une forme ordonnée et simplificatrice. Loin des
discussions érudites dordre philosophique ou scientifique,
lauteur fait oeuvre de vulgarisation. Le but de
Barthélémy est de permettre au lecteur daccéder
au savoir suprême : celui de la théologie. |
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Ce type douvrage est destiné à
la prédication : il fournit au prédicateur un arsenal
dimages et de paroles, de métaphores propres à
frapper limagination du chrétien. Copié et recopié,
le De proprietatibus rerum connut une grande faveur auprès
dun public de simples lettrés curieux de culture (deux cents
manuscrits latins aujourdhui conservés). Les étudiants
pouvaient en consulter un exemplaire à la bibliothèque du
collège de Sorbonne. Soucieux de mettre en oeuvre une vaste entreprise
de traduction de textes latins,
Charles V en commanda à
Jean Corbechon en 1372, une version française qui en
augmenta encore le succès.
Traduit également en langue doc, espagnol,
italien, flamand, le De proprietatibus rerum bénéficia
dune diffusion qui se développa encore avec limprimerie
(seize éditions en latin, vingt-quatre en français, trois en
anglais, deux en espagnol, une en flamand). |

Le Livre des propriétés des choses
Barthélémy l'Anglais
Traduction française par Jean Corbechon, 1372
BnF |
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1. Enseignement médiéval
2. Les "Miroirs"
3. Premier traité de science politique
4. Méthodes d'apprentissage
5. Premières bibliothèques royales
6. Compilation encyclopédique
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