Intention et dispositif
L'apparition des émulsions au gélatino-bromure d'argent facilite la production des portraits en pied, à plusieurs, devant des décors simulant une réalité exotique, tout du moins éloignée de Paris, de ses clichés connus et reconnus. Paul photographie les personnes à la mode, celles que tout le monde veut voir, puis classe tous les clichés dans des registres par professions. Car dès 1870, les modèles féminins se bousculent dans l'atelier : cantatrices, danseuses et comédiennes. De la diva ou la célébrité à la mode, jusqu’aux petites danseuses et figurantes… chacune veut son portrait pour assurer la promotion de son spectacle, pour asseoir sa célébrité. L’atelier se transforme en un autre genre de théâtre où de nombreux assistants mettent en place les décors et tous les artifices nécessaires pour provoquer l’illusion sans toutefois duper.
Dans sa jeunesse, Félix Nadar avait croqué, avec ses crayons, les grands personnages de son temps, caricatures qui ont très vite permis à Philippon de reconnître l'originalité de son talent. En 1854, Gustave Doré a publié avec un regard amusé et empli d’humour,
La Ménagerie parisienne, vingt-quatre caricatures témoignant des mœurs parisiennes. Paul, à son tour, n’échappe pas à cette tradition. Mais son sens de l’humour est plein de tendresse. Avec un style fantaisiste, léger, il traduit la passion d’alors pour les théâtres, l’Opéra-Comique, les cafés cabarets, les danseuses, les actrices. Ce goût du superficiel ne plaira bien évidement pas à Félix qui trouve frivoles les projets de son fils. Ce changement de clientèle est un tournant dans la production photographique de l’atelier même si l’accueil de l’aristocratie et la haute bourgeoisie perdure.