La Révolution française éclate alors que le débat sur les mérites respectifs des grands hommes et des héros tournait à l’avantage des premiers. En effet, les philosophes des Lumières avaient achevé de disqualifier les "saccageurs de province", pour reprendre la formule de Voltaire, au profit de figures socialement plus utiles, car plus pacifiques et plus constructives. Pourtant, les bouleversements politiques que 1789 inaugure, réhabilitent un héroïsme politique et militaire qui cherche à concilier les nouvelles valeurs méritocratiques, démocratiques et laïques avec les traditions du martyre et l’héritage littéraire des humanités.
Le héros révolutionnaire
Le discours sur les grands morts s’est laïcisé au XVIII
e siècle en passant de l’oraison funèbre, tournée vers un passé aux traditions chrétiennes, à l’éloge célébrant les grands hommes de la nation en construction. Le Panthéon, qui devait initialement accueillir la châsse de sainte Geneviève, patronne de Paris, devient en 1791 un temple destiné à célébrer les grands hommes vertueux. Le débat sur la définition du grand homme et, subséquemment, celle du héros, devient une passion nationale dès lors jamais démentie. La Révolution permet aux hommes politiques, représentants de la nation, de prendre le relais des écrivains pour juger de la grandeur d’un individu et de son éventuelle entrée dans le temple laïc. Les urgences politiques de la période et les volontés d’instrumentalisation furent parfois incompatibles avec la sérénité et la distance nécessaires pour procéder à ces choix. Si des philosophes comme Voltaire ou Rousseau ne suscitèrent guère de controverse, la Convention décida par exemple d’expulser du Panthéon les cendres de Mirabeau, devenues indésirables après la découverte de sa correspondance secrète avec Louis XVI, et d’y installer Marat. Moins de cinq mois après, le 14 février 1795, la même assemblée décidait de l’expulser à son tour.