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L’ombre de l’opérateur


Dans toute photographie, le placement de l’opérateur par rapport à la source de lumière est essentiel. Il s’agit ici de réfléchir sur l’ombre portée accidentelle ou intentionnelle et d’en aborder le sens dans la construction de l’image. Au cours de l’atelier, on pourra proposer, à travers une recherche sur Internet, de visiter les œuvres de photographes qui traitent différemment ce sujet, par exemple André Kertész dans un autoportrait de 1927, László Moholy-Nagy ou Lee Friedlander (Chéroux, p. 68-97).
 

Propositions d’ateliers

Choisir un paysage urbain ou un objet dans la ville (mobilier urbain, vitrine, façade…). Bien définir le champ dans le cadre et prendre une première photographie. Sur le papier, par écrit et à l’aide d’un croquis, bâtir une scénographie destinée à inscrire l’ombre de l’appareil et/ou de l’opérateur dans le champ. Préciser les modalités de cette apparition : contact, superposition, construction d’un dialogue avec un objet dans le champ, avec le spectateur, élaboration d’un récit  qui fait jouer le regardeur et le regardé, le sujet et l’objet.
L’attention est portée à l’entrée dans le cadre de l’ombre, angle de pénétration, longueur de l’ombre, contact ou non de l’ombre avec les objets ou les sujets focalisés dans le champ, à la forme de l’ombre, compacte, allongée, à la densité de l’ombre, à sa transparence, à ses couleurs… Selon les protocoles fixés, l’ombre est naturelle et il est nécessaire de porter attention à l’heure ; l’ombre est artificielle, il est possible alors de travailler plus précisément la forme et la densité de l’ombre, de la dédoubler, de la multiplier selon des axes différents en utilisant plusieurs sources de lumière directe ou réfléchie, crue ou tamisée, voire colorée. Faute de pouvoir disposer de projecteurs, des prises de vues prises à la tombée de la nuit sous les réverbères permettent d’obtenir tous les effets recherchés.
Une fois tous les paramètres fixés, prendre une deuxième photographie intégrant l’ombre.
Coller les deux photographies face à face ou réaliser un montage des deux photographies sur écran. Rédiger un récit réaliste, fantastique ou policier pour accompagner les images.
 
À l’aide d’un logiciel de traitement de l’image, projeter l’ombre d’un opérateur fictif sur une photographie personnelle, une photographie de presse, une carte postale ancienne… scannées en jouant avec l’échelle. La retouche peut aussi être obtenue à l’encre, à l’aquarelle, au crayon, au fusain… sur la reproduction d’une photographie.
En quoi l’ajout de l’ombre d’un photographe fictif modifie-t-il la mémoire liée à la photographie, le récit qu’elle suscite, le discours produit sur elle ? Deux textes peuvent le mettre en évidence, l’un écrit avant, l’autre après lorsque la retouche implique celui qui l’a réalisée dans une histoire ou dans une temporalité qui ne sont pas les siennes ou dans une mémoire modifiée. L’utilisation d’un logiciel fonctionnant avec un système de calques permet en réalisant cette ombre sur un calque d’intervenir ensuite très facilement sur la densité, l’opacité ou la transparence, la dominante colorée, la netteté des contours, de modifier la taille, l’orientation, le grain de l’ombre. Ce travail peut être réalisé avec un logiciel comme Photoshop. Si la classe ne dispose pas de ce type de logiciel, le monde des logiciels libres offre la possibilité de télécharger gratuitement The Gimp avec un didacticiel et une gamme d’exemples et d’exercices.
Réaliser un dessin, une peinture ou un collage représentant un paysage urbain. Lui donner un titre. Sur un papier calque, une feuille plastique transparente, dessiner l’ombre du peintre. Jouer sur les échelles, les différents bords du cadre par où l’ombre s’immisce.

Matériel : des caches de diapositives, des feuilles de plastique transparent colorée, des feutres pour rétroprojecteur ou pour surlignage. Réaliser en collant des morceaux de plastique découpés un paysage. Compléter l’image au feutre, le trait du feutre doit être translucide. Projeter l’image sur un mur. Disposer un appareil photographique sur un pied de façon à pouvoir cadrer exactement l’écran, vérifier la luminosité. En se déplaçant devant l’optique du projecteur, plus ou moins près pour jouer sur la densité de l’ombre, sur le flou ou le net des contours, créer l’ombre du spectateur. Réaliser des photographies du paysage avec les ombres. Avec un appareil numérique, il sera sans dote nécessaire de réaliser plusieurs prises de vues avec des réglages différents avant de trouver la température de couleur adéquate.
Variante. Projeter sur une grande feuille blanche, repasser les contours du paysage pour les reprendre ensuite en aplats de couleurs. Repasser de même le contour de l’ombre. Choisir différentes techniques pour la représenter (aplat de couleur, trait, hachures, etc.).
Avec un appareil numérique et un vidéoprojecteur (différents relais médias auprès des inspections académiques, des rectorats, des CDDP et des CRDP prêtent ce genre de matériel. Il est aussi possible de travailler avec un centre d’art). Prendre une photographie de paysage dans l’environnement proche. La projeter sur un mur. Créer l’ombre du spectateur. La photographier.
Avec les élèves les plus jeunes, l’expérimentation de l’ombre peut être menée en parallèle avec l’analyse de l’image des albums de jeunesse, avec les élèves plus âgés avec des extraits de films. Dans plusieurs albums, souvent en citation de la peinture moderne, Anthony Browne utilise l’ombre d’un personnage absent de l’image pour le faire peser dans la narration, pour le constituer en dominateur ou en surmoi du héros. En écho des films de Fritz Lang, Sarah Moon utilise l’ombre des personnages hors de l’image pour construire la fin du récit du Petit Chaperon Rouge.

L’exercice est une invitation à revenir sur les albums d’Atget et à découvrir l’utilisation de leur ombre, de la simple présence jusqu’à l’autoportrait en ombre ou l’appareil et l’image sur le dépoli sujets mêmes de la photographie par des artistes comme László Moholy-Nagy, André Kertész ou Denis Roche… à partir de quelques images disponibles sur Internet. L’exposition Portraits/visages en propose quelques exemples à travers les photographies de Debbie Fleming Caffery, Alphonse Liébert, Florence Chevallier, Xavier Zimmerman et Charles Thurston Thompson. L’exposition Objets dans l’objectif d’autres avec les photographies de Gustave Le Gray.  Les photographes ne sont pas les seuls à glisser leur ombre dans leurs compositions, quelques peintres comme Pablo Picasso apposent ainsi une deuxième signature. Victor Ieronim Stoichita y voit une influence de la photographie (Stoichita, p. 122).
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