Le cadrage
et la composition des photographies des petits métiers parisiens
se distinguent nettement des prises de vues des rues et des immeubles
du vieux Paris. Entre reportage et mise en scène – mais
les deux ne font pas nécessairement mauvais ménage – Eugène
Atget compose des scènes, fait poser les petits artisans,
les petits marchands avec des gestes et des attitudes emblématiques
proches de la double tradition de l’iconographie
des métiers et des cris de Paris. Presque tous les métiers
représentés ici font référence à des
métiers disparus ou aujourd’hui marginalisés
(rémouleur, marchand de paniers, marchande de mouron, marchand
de mèches pour fouet, repasseur…) ou des formes de
service à la clientèle obsolètes (marchande
de crème, marchand de papier à lettres…). D’autres
présentent des formes, notamment de commerce (fleuriste, boulanger,
marchand de sucreries…), qui existent encore aujourd’hui
sous des formes diverses allant du rayon de supermarché à l’étal
implanté sur le trottoir. Le classement opéré selon
ces critères montre qu’Eugène Atget n’est
pas seulement le photographe d’un Paris disparu ou en voie
de disparition, mais celui d’une vie urbaine en transformation,
bien qu’inscrite dans une représentation traditionnelle.
Il ne faut donc pas voir la série des petits métiers
parisiens comme le simple reflet d’une vie populaire ou d’une
situation professionnelle plus au moins fragile.
Parallèlement à l’image, il est intéressant
aussi d’explorer la tradition littéraire des petits métiers,
des rues et des quartiers de Paris (Sébastien Mercier, Restif
de la Bretonne) comme celui des Halles (
Nerval)
en prenant en compte toutefois avec Alain Buisine (p. 129-136) que, à la
différence du cinéma comme de la littérature (Proust
par exemple), la photographie est muette. Il n'y a ni cris de Paris,
ni odeurs dans les photographies d'Atget.