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Le reflet de l’opérateur


Par son reflet, comme par son ombre, le photographe fait irruption dans l'image. Si l'intention est la même, l’intégration de sa présence dans la composition est fort différente. Techniquement bien sûr. Aussi parce que le reflet donne à voir de façon plus évidente le visage et le geste. Mais, contrairement à l’ombre qui s’introduit dans l’image par le cadre ou en continuité à une autre ombre comme dans certaines photographies de László Moholy-Nagy, le reflet peut être placé n’importe où dans l’image. C’était déjà le cas avec l’ombre reflétée dans un miroir, mais l’intégration d’une surface réfléchissante (miroir, vitrine, eau…) dans la composition permet des transparences, des fusions plus subtiles, des superpositions, des jeux de diffraction, d’éclatement tels que ceux que proposent Florence Henri, Alain Fleisher ou Markus Raetz.
 

Objectif

En partant d’une sélection de photographies d’Eugène Atget, les objectifs sont, après l’analyse de celles-ci et l’étude de l’impact qu’elles ont pu avoir notamment chez les surréalistes (voir la partie sur les vitrines), d’une part la découverte de quelques photographes qui ont exploré cette voix, d’autre part de s’essayer à des compositions qui mettent en scène l’espace du cadre dans un dialogue à plusieurs dimensions entre le champ et le hors champ, sans nécessairement s’attacher à la seule présence de l’opérateur.
 

Propositions d’ateliers

L’analyse des photographies d’Atget est le point de départ d’une découverte d’autres photographes qui, comme André Kertész, ont exploré cette voix. Dans la "Distorsion n° 113" réalisée en 1933, André Kertész  introduit le photographe et son appareil eux-mêmes distordus. L’analyse de la photographie est l’occasion de formuler quelques hypothèses sur les moyens utilisés (miroirs déformants de foire, cadrage ajusté) pour introduire la fantaisie et la liberté créatrice dans un travail de commande. Pour poursuivre cette réflexion, l’étude de l’œuvre de Kertész offre une grande richesse, car il reprend en 1984 la série issue de la commande du journal Le sourire en 1933  jouant différemment de la présence du photographe dans l’image et du recadrage. Les variations sur ce thème par Denis Roche qui introduit l’appareil photographique et l’image sur le dépoli dans le champ ouvrent aussi de nombreuses perspectives. Avant l’atelier proprement dit, une visite s’impose aux "Jeux de miroirs" de Dieter Appelt dans l’exposition Portraits/visages.
Dans la classe. Avant de proposer l’atelier, analyse de la composition des deux photographies d’Atget des séries "Intérieurs" et "Art dans le vieux Paris" du cédérom. Un miroir de bonne taille placé au mur, posé verticalement sur une table ou au sol dans un coin de la salle. Rechercher un point de vue qui construise une mise en abyme de l’espace. Marquer ce point sur le sol à la craie. Positionner l’appareil sur un pied à proximité de ce point de façon à obtenir au mieux l’effet d’abyme souhaité et la présence de l’appareil en reflet dans le miroir. Déclencher. Recommencer avec en sus la présence de l’opérateur. Comme dans certaines photographies de Denis Roche, l’opérateur peut apparaître de façon partielle (main, profil…).
Variante. Découper ou scanner dans des magazines de décor d’intérieurs, dans des mensuels pour la maison, dans des catalogues de vente par correspondance une ou plusieurs images de miroir.
Après avoir réalisé une photographie de l’appareil et de l’opérateur directement ou par reflet dans un miroir, selon les modalités précédentes, réduire la photographie à l’impression ou par photocopie de façon à pouvoir l’intégrer au miroir découpé ou à plusieurs de ceux-ci. Réaliser un montage de la photographie dans le ou les miroirs.
Découper ou scanner dans des magazines de décor d’intérieurs, dans des mensuels pour la maison, des images d’aménagements intérieurs ou de publicité. Intégrer à ces images, celle du ou des miroirs en respectant les échelles ou en jouant sur celles-ci.
 
La finalité de ces exercices est de questionner "l’écart entre le visible et le sujet du regard" (Mondzain, p. 29), de méditer sur "le déploiement des interprétations", par un détour avec les plus jeunes par quelques contes anciens revisités aujourd’hui par des auteurs d’albums de jeunesse (voir par exemple Lilas d’Yvan Pommaux) :
"Si notre image dans le miroir nous ressemble assez pour avoir droit à notre nom, ce nom n’a de sens que pour l’oreille et la voix d’un autre. Le miroir n’a pas d’oreille et l’image ne prend sens que dans la triangulation où la voix demande au regard de ne pas se prendre pour ce qu’il voit, faute de quoi il sera pris pour ce qu’il ne voit pas."
Marie-José Mondzain , Le commerce des regards, Paris, Seuil, 2003, p. 243.
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