Tous les savoirs du monde :
Liste des textes fondateurs

[Les dossiers pédagogiques]

Quelques encyclopédies et textes fondateurs de la pensée occidentale, avant l’explosion des savoirs

Ve

VIe

VIIe

IXe

XIIe

XIIIe

XIVe
XVe

XVIe

XVIIe

XVIIIe

XIXe


 

De Doctrina christiana, Saint Augustin, définit les exigences et les limites d’une culture chrétienne éclairée par la foi et joue un rôle majeur dans la Renaissance carolingienne. Ce texte inspire une longue tradition pédagogique qui entend donner au savoir le rôle d’éveil aux vérités de l’Éternelle Sagesse. La Cité de Dieu en est la traduction française commentée par Raoul de Presles (v. 1371-1375) à la demande de Charles V.

 


 

De Nuptiis Mercurii et Philologiæ (Des Noces de Mercure et de Philologie, vers 400), de Martianus Capella, est un manuel d’enseignement des arts libéraux, symbolisés par sept muses. Cette personnification perdurera tout au long du Moyen Âge.

De Consolatione philosophiæ (La Consolation philosophique), de Boèce (v. 480-524), est un commentaire du Timée de Platon (v. 428-348 av. J.-C.). Boèce divise la philosophia (l’ensemble des sciences profanes) en theorica, practica (morale) et logica. Son oeuvre est utilisée dans l’enseignement, en particulier par les maîtres de l’École de Chartres.

 

Les Institutiones divinarum litterarum de Cassiodore (v. 480-575) sont une sorte de bibliographie sélective des commentaires de l’Écriture et une méthode de mémorisation des données de la culture antique, rédigés vers 550 à l’usage des moines du monastère de Vivarum (Calabre).

 

Les Etymologiæ d’Isidore de Séville (v. 560-636) constituent un monumental tableau étymologique du monde profane et sacré en vingt livres, rédigés de 621 à 636. Isidore remonte à l’origine des mots pour atteindre la connaissance des êtres et des choses. Cette première encyclopédie devient la base de tout inventaire du monde. Complétée au VIIIe siècle par Alcuin, au IXe par Raban Maur, au Xe par Gerbert d’Aurillac, elle demeurera le livre de chevet des clercs médiévaux jusqu’au XVe siècle.

De Rerum naturis ou De Universo, de Raban Maur (780-856), très inspiré d’Isidore de Séville, est la seule encyclopédie de l’époque carolingienne. Raban Maur, abbé de l’abbaye bénédictine de Fulda dont il fait un centre intellectuel, organise le savoir d’après la hiérarchie d’un monde créé par Dieu. Son oeuvre aura une influence capitale sur la pensée chrétienne médiévale, surtout à partir du XIIe siècle. Son enseignement fera autorité jusqu’au XVIe siècle.
 

Le Didascalicon de Hugues de Saint-Victor (v. 1096-1141) est le texte fondateur de l’École de Saint-Victor, qui fut l’un des premiers centres culturels européens au XIIe siècle. Programme d’étude à visée encyclopédique, le Didascalicon reprend le cycle d’enseignement des arts libéraux et introduit les arts mécaniques.

   

La Philosophia mundi de Guillaume de Conches (v. 1080-1154), construit une «physique du monde». Ce maître de l’École de Chartres - autre grand foyer intellectuel du siècle - enchaîne les causes physiques de la nature de l’univers, «de la cause première jusqu’à l’homme». Sans aller jusqu’à remettre en doute l’existence d’un Dieu créateur, il introduit cependant le questionnement et le raisonnement métaphysique. L’homme devient l’objet et le centre de la Création. La Genèse est expliquée selon des lois naturelles. Cette vision neuve vaut de solides adversaires aux Chartrains, mais son influence ira croissant. Nourri de science gréco-arabe, l’esprit humaniste de l’École de Chartres va rayonner en Europe.

 

Le Policraticus de Jean de Salisbury (1130-1180) est le premier grand traité de science politique. Il offre un nouvel idéal monarchique : un roi sage et instruit. L’auteur effectue la synthèse entre l’idée de nature, la pensée antique assimilée par la philosophie chrétienne et le renouveau de la théologie. Jean de Salisbury, qui terminera sa carrière comme évêque de Chartres (à partir de 1170), est un des meilleurs représentants de la renaissance humaniste du XIIe siècle.

 

Les traductions latines à partir de l’arabe ou du grec permettent à l’Occident chrétien de découvrir les traités scientifiques grecs et arabes et la totalité de l’oeuvre logique d’Aristote (l’Organon), qui sera enseignée à l’université de Paris dès son ouverture (1215). Mais sa Physique et sa Métaphysique, commentées par les scolastiques, suscitent de violentes controverses théologiques relatives à l’éternité du monde, à la Providence, à la liberté de Dieu; ces textes sont frappés d’interdit.

 

C’est par le Grand Commentaire d’Averroès (1126-1198), traduit de l’arabe en latin (notamment par Michel Scot et Gérard de Crémone), que la pensée d’Aristote est transmise en Occident. Averroès recherche la pensée originelle du philosophe grec sous l’accumulation des commentaires et la débarrasse des gloses néoplatoniciennes. Il expose dans son propre commentaire sa théorie de l’unité de l’intelligence dans l’espèce humaine, que l’Église condamnera en 1270.

Au XIIIe siècle, les lieux de production du savoir se déplacent des monastères vers les villes, dans les écoles-cathédrales et les universités. L’avenir est du côté des élèves d’Abélard et non plus de ceux d’Anselme. L’université est l’un des corps de la ville nouvelle. Maîtres et étudiants constituent, selon la formule de M. D. Chenu, une « véritable internationale intellectuelle». Dans la cité, elle a rang d’« office». Elle a conquis le droit d’organiser sa vie à sa guise et jouit d’un énorme prestige; elle est même parfois appelée à procurer ses conseils aux politiques.

 

De Animalibus est un ouvrage précurseur des traités naturalistes du XVIIe siècle : pour décrire les animaux, son auteur, Albert le Grand (v. 1206-1280), fait référence à ses propres observations, ce qui est tout à fait nouveau à une époque où l’on apprend la nature dans la Bible. Ce grand maître de l’enseignement des sciences est le premier à définir clairement le statut autonome des sciences, séparé de l’enseignement des Écritures. Avec son élève Thomas d’Aquin (v. 1225-1274), il tente de concilier Aristote et l’Écriture.

 

Le Speculum Majus de Vincent de Beauvais (1190-1264) reflète l’esprit encyclopédique du XIIIe siècle, par son souci de rassembler, de classer, d’ordonner le savoir. Ce dominicain proche de saint Louis est le premier à donner des numéros aux rois, dans une histoire chronologique de la France (Speculum historiale).

 

De Proprietatibus rerum, rédigé entre 1230 et 1240 par Barthélémy l’Anglais, est une « somme générale contenant toutes choses et toutes matières », destinée aux prédicateurs. Véritable « leçon de choses» en dix-neuf livres, cet inventaire de la nature, enrichi de thèmes de sermons rubriqués en marge, est une source inépuisable pour l’explication allégorique et moralisée de l’Écriture. Cette oeuvre de vulgarisation du savoir obtient un très grand succès, en latin comme en langue vernaculaire, jusqu’au XVIe siècle.

 

L’Image du Monde, oeuvre composée en dialecte lorrain par Gossouin de Metz, est la première encyclopédie en langue vernaculaire. Écrite en 1246 pour Robert d’Artois, frère de saint Louis, elle est constituée de trois parties : introduction à l’étude de la science, géographie et météorologie, astronomie.

 

L’Opus Majus de Roger Bacon (v. 1212-1292) présente un programme qui constitue les bases de la science expérimentale. Précurseur de la science moderne, Roger Bacon porte ainsi un premier coup à la scolastique universitaire. Il ne parviendra pas à convaincre le pape d’inscrire les sciences expérimentales au programme des études universitaires et devra écrire ses traités scientifiques dans le secret. Il sera emprisonné pour « innovations suspectes ».
 

  • XIVe / XVe siècle

Le Livre du gentil et des trois sages, écrit en catalan par le franciscain Raymond Lulle (v. 1232-1315), prêche la conversion des infidèles et présente l’idéal d’une société unie dans « une langue, une croyance, une foi » (déjà au XIIe siècle, Abélard faisait discuter de leur foi un musulman, un juif et un chrétien, cherchant à mettre en valeur les traits communs aux trois religions). Raymond Lulle prolonge son désir d’universalité dans une méthode qui permettrait de tout connaître par combinaison d’un petit nombre de principes. En dressant son « arbre de science », il veut donner une vision globale de tout le savoir profane et religieux.

 

Le mouvement humaniste de la Renaissance, caractérisé par le retour aux auteurs anciens et à l’étude de l’éloquence et de la langue latine classique, débute au XIVe siècle. Pétrarque (1304-1374) en est considéré comme l’initiateur. Ce grand admirateur de la Rome antique se fait historien et archéologue, recherche et recopie les manuscrits anciens. Admiré de ses contemporains pour ses élégants écrits en latin, il passera à la postérité grâce à ses poèmes en langue vernaculaire (le toscan).

 

Des Cas des nobles hommes et femmes, de Boccace (1313-1375), dresse la biographie de cent quatre-vingt-trois rois et reines de l’Antiquité jusqu’au XIVe siècle. Traduit en français (1409) par Laurent de Premierfait, il recueille beaucoup de succès auprès des nobles et des princes.

 

Le Livre des Merveilles du Monde contient les récits de voyage de Marco Polo (1298), frère Hayton, Jean le Long d’Ypres, Guillaume de Bodensele, Jean de Cori, Odéric de Pordenone (v. 1320), Jean de Mandeville (1371), - textes plus ou moins anciens, copiés et réunis vers 1410-1412 en un seul ouvrage, à la demande du duc de Bourgogne Jean sans Peur qui veut avoir à sa disposition, en vue d’une éventuelle croisade orientale, toutes les connaissances sur l’Extrême-Orient et l’Asie Centrale.
 

Les Adages, publiés en 1500, puis la nouvelle édition de 1508 et l’Éloge de la folie en 1511 valent à Érasme (1466-1536) une notoriété qui va s’amplifier dans toute l’Europe. L’humaniste flamand fustige les moeurs des religieux qui, selon lui, trahissent le message évangélique. Il accorde peu d’importance à la liturgie et aux sacrements et préconise de revenir à la lecture des Évangiles en grec. Son Novum Testamentum (1516), qui aura un énorme retentissement, propose une traduction latine nouvelle, différente de la Vulgate (traduction de saint Jérôme, la seule reconnue par les autorités religieuses). Pris dans les polémiques de la Réforme, Érasme s’oppose à Luther sur l’idée de prédestination qu’il rejette (De libero arbitrio, 1524). Le conflit entre les deux hommes sur la liberté représente le coeur du débat entre Humanisme et Réforme.

 

De studio literarum recte et commode instituendo, rédigé en 1532 par Guillaume Budé (1467-1540), oeuvre maîtresse de la philosophie humaniste chrétienne, présente l’idéal d’une culture complète comme préparation à une spiritualité chrétienne. C’est Budé qui, le premier, introduit dans la langue française le mot « encyclopédie » (dans l’Institution du Prince, dédiée à François Ier). Rabelais reprendra le terme pour désigner le savoir complet qui doit être celui de Pantagruel.

 

De revolutionibus orbium coelestium, publié par Nicolas Copernic (1473-1543) l’année de sa mort, décrit pour la première fois un système astronomique où les planètes, dont la Terre, se déplacent autour du Soleil. Les théories de Copernic, qui ne seront admises que plus tard, sont à l’origine de la révolution scientifique moderne.

 

Les Dialecticæ partitiones et les Aristotelicæ animadversiones de Ramus (Pierre de La Ramée, 1512-1572), mathématicien et humaniste, farouche adversaire d’Aristote, sont immédiatement condamnés par la Sorbonne (1543). Dans ces ouvrages consacrés à la dialectique, est étudiée la notion d’«arrangement», première apparition de l’idée de « méthode » qui sera exposée par Descartes. L’auteur propose une exposition ordonnée de l’ensemble du savoir selon un enchaînement logique. Curieusement, Ramus, bien qu’opposé à l’aristotélisme, rejettera les théories héliocentriques de Copernic.

 

 

  

 

Icones animalium quadrupedum viviparum et oviparorum... (Images des animaux quadrupèdes vivipares et ovipares...), ouvrage publié en latin en 1551 par Conrad Gesner (1516-1565), est la première encyclopédie zoologique de la Renaissance. Gesner, médecin à Zurich, esprit universel, représente une nouvelle génération d’encyclopédistes naturalistes qui préconisent l’observation de la nature in situ (lui-même ira pour cela jusqu’à escalader des montagnes). Sa Bibliotheca universalis, rédigée de 1545 à 1555, est la première véritable bibliographie. Elle répertorie, par ordre alphabétique des prénoms, environ cinq mille auteurs latins, grecs et hébreux avec les titres de leurs uvres (quelque seize mille titres), chacune accompagnée d’un résumé. Une version méthodique, classant les notices dans l’ordre logique des matières, paraît en 1548. Gesner tente également d’établir un recensement des langues du monde. Il en décrira cent trente.

Le Novum Organum de Francis Bacon (1561-1626) développe une théorie empirique de la connaissance. Il propose une classification des sciences fondée sur les facultés humaines (mémoire, imagination, raison). Précurseur de la pensée moderne, Bacon sépare la théologie et la science, estimant que la théologie a stérilisé l’intelligence humaine. Il appelle à la destruction des préjugés, à l’investigation, à l’expérimentation et à la construction d’une « science des causes». Dans la Nouvelle Atlantide, il rêve d’une société dirigée par un « collège universel» qui regrouperait laboratoires, bibliothèques et observatoires et où le travail de recherche serait réalisé par des équipes de techniciens. Il rejette cependant les découvertes de Copernic et passe à côté de celles de Kepler. Bacon n’aura pas d’influence immédiate, mais son « arbre » organisant le savoir sera repris par Diderot et d’Alembert.

 

L’Advis pour dresser une bibliothèque de Gabriel Naudé (1600-1653) est le premier traité sur le métier de bibliothécaire. Naudé, qui sera en même temps médecin ordinaire du roi et bibliothécaire de grands princes, rassemblera et classera les quarante mille volumes de la bibliothèque Mazarine.

 

Premier traité philosophique écrit en français, le Discours de la méthode pour bien conduire sa raison et chercher la vérité dans la science, publié en 1636 par Descartes (1596-1650), proclame l’autorité suprême de la raison et édicte des règles applicables à toutes les sciences. L’influence de cette « nouvelle manière de raisonner » (Fontenelle) va se répandre dans toute l’Europe.

 

L’Essai sur l’entendement humain, publié en 1690 par John Locke (1632-1704), expose la doctrine dite du sensualisme qui aura beaucoup de succès auprès des philosophes français du XVIIIe siècle. Dans son Traité sur le gouvernement civil, Locke soutient une thèse qui porte en germe la Révolution : le peuple est le véritable souverain, les gens au pouvoir sont ses représentants, il peut donc les en chasser s’il les juge incompétents ou malhonnêtes. C’est Diderot qui propagera en France la pensée de Locke.

 

Les Institutiones Rei Herbariæ de Joseph Pitton de Tournefort (1656-1708) proposent, en 1700, une nouvelle classification des végétaux, fondée sur les genres définis en fonction de deux critères : la fleur et le fruit. Elle aura un certain succès dans toute l’Europe; Linné la reprendra en partie et Jussieu s’en inspirera pour définir la notion de « famille » (Genera Plantarum, 1789). L’ oeuvre de Tournefort constitue le départ de la systématique moderne.

 

Les Principes mathématiques de la philosophie naturelle développent les théories d’Isaac Newton (1642-1727) sur les lois de l’attraction universelle. Ce traité sera traduit et diffusé en France par Voltaire. Ces Principes ont un grand retentissement en Europe, divisant les intellectuels en deux camps, partisans et adversaires. Newton jouit d’un immense prestige, ce qui lui permet d’écraser Leibniz (1646-1716) dans la querelle qu’il entretient avec lui sur l’antériorité de la découverte du calcul infinitésimal. La postérité établira que les deux savants étaient parvenus à des conclusions similaires, indépendamment l’un de l’autre.

 

Systema naturæ, publié en 1735, expose la méthode de classification des plantes de Carl von Linné (1707-1778) prenant pour critères leurs organes sexuels. Bien que considérée comme « artificielle » par les partisans d’une systématique « naturelle », cette méthode sera un modèle pour toute une génération de naturalistes. Pour étiqueter les animaux et les végétaux, Linné invente un langage international, une nomenclature en latin composée du nom du genre et du nom de l’espèce. Ce système binominal est toujours en vigueur.

  

L’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, publiée de 1751 à 1772, obtient le plus gros succès d’édition du siècle. Le choix du classement alphabétique des savoirs suscite cependant de nombreuses critiques théoriques.

Le Système des animaux sans vertèbres de Jean-Baptiste de Lamarck (1744-1829), paru en 1801, présente une classification qui repose sur l’idée de la variabilité des espèces exposée par l’auteur devant l’Académie des sciences en 1800. Pour la première fois, la notion de fixité des espèces énoncée par Aristote vingt-deux siècles plus tôt est publiquement contestée. Lamarck émet l’hypothèse selon laquelle les espèces subiraient des transformations qui, transmises héréditairement, seraient à l’origine d’autres espèces. Sa Philosophie zoologique développe, en 1809, une première théorie de l’évolution organique, mais passe quasiment inaperçue.

 

Il faudra attendre près de soixante ans - 1859 - la publication des travaux de Darwin On the Origin of Species by Means of Natural Selection, démontrant la différenciation des espèces par une autre démarche évolutionniste, pour que soit balayé le concept de la fixité des espèces et que l’idée d’évolution soit intégrée à la pensée scientifique.


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